Critique Ne me touchez pas
Conception Laura Bachman
Au Théâtre de la Bastille, dans le cadre du Festival Faits d’Hiver, qui met en lumière la richesse de la danse contemporaine, Laura Bachman présente Ne me touchez pas, un duo délicat créé avec Marion Barbeau, magnifiquement éclairé par les lumières d’Eric Soyer. (Regarder l’interview vidéo de Laura Bachman et Marion Barbeau accordée à M La Scène sur le plateau du Théâtre de la Bastille).
Toucher et ressentir
Danseuse au sein du corps de Ballet de l’Opéra national de Paris, où elle obtient le prix « jeune espoir » de l’AROP, Laura Bachman travaille dans la compagnie de Benjamin Millepied, L.A. Dance Project, puis, dans celle d’Anne Teresa de Keersmaeker, Rosas. Ne me touchez pas est le titre choisi pour sa première pièce chorégraphique, un duo délicat, qu’elle partage avec Marion Barbeau, première danseuse de l’Opéra de Paris et récemment, l’héroïne du film de Cédric Klapisch, En corps
Le titre Ne me touchez pas s’apparente à une injonction, celle du refus de tout contact. Pourtant, la pièce chorégraphique imaginée par Laura Bachman prône, au contraire, l’absolue nécessité du toucher et donne à voir le frémissement qui parcourt un corps lorsqu’une main se pose sur lui. Le duo place les deux danseuses dans des moments de solitude, où face public, chacune d’elles fait l’expérience d’un enfermement. Les mains parcourent le corps. Parfois comme des ennemies qu’il faut combattre. Parfois comme les complices d’exhibitions convenues.
Le duo, également, déploie avec délicatesse des moments volatils où une intimité parvient à se créer. Ensemble, les deux danseuses, Laura Bachman et Marion Barbeau, par un geste suspendu, autorisé, reçu et accepté, racontent la difficile mais lumineuse acceptation du corps de l’autre et la sensualité qui naît alors.
Une lumière qui fait sens
Ne me touchez pas se déploie dans un espace volontairement contraint. Carrés, rectangles, cercles, délimitent les lieux où les corps se meuvent ou dansent. Ce sont les lumières, magnifiques, d’Eric Soyer qui organisent ces différents espaces. Le scénographe et éclairagiste, qui, notamment, poursuit depuis des années un long compagnonnage avec Joël Pommerat prouve encore une fois son incroyable talent.
La lumière fait sens. Elle découpe les silhouettes, accompagne les gestes, sculpte et irradie les corps à contre-jour, leur conférant une froide irréalité ou une douce matérialité. Elle semble elle-même coller au plus près de la peau des danseuses, jouant de la pénombre ou de la clarté pour toucher et ciseler les corps en mouvement ou immobiles.
Le duo créé par Laura Bachman et Marion Barbeau s’appuie également sur la musique originale de Vincent Peirani et Michele Rabbia. La rythmique de l’accordéon et les pulsations des percussions partagent, avec des moments de silence, l’univers sonore de la pièce chorégraphique. Un métronome conduit à la chute finale. Qui n’est pas sans évoquer certains twist ending cinématographiques. Le film J.F. partagerait appartement de Barbet Schroeder revient en mémoire.
Ne me touchez pas, dansé par Laura Bachman et Marion Barbeau offre un joli moment de complicité. La lumière sculpte les corps et magnifie la fragile intimité de ce duo féminin qui se crée ou se brise au détour d’un geste.
Les LM (elle aime) de M La Scène : LMMMMM
Ne me touchez pas
Théâtre de la Bastille
17 jan > 20 jan
Dans le cadre du Festival Faits d’Hiver 2024
Conception et chorégraphie Laura Bachman Créé avec Marion Barbeau
Avec Laura Bachman et Marion Barbeau
Musique originale Vincent Peirani et Michele Rabbia
Création lumière Éric Soyer
Régie Quentin Maes
Costumes Laura Bachman (avec la complicité de Marion Barbeau et Axelle Bachman)
Regard extérieur Magali Caillet-Gajan
Conseil dramaturgique Karthika Naïr
Remerciements Axelle et Philippe Bachman, Antoine Chambre, Héloïse Trioen et Justine Cascaro.
Et pour l’inspiration Nicki Minaj, Cardi B, Jojo Gomez, Doris Lessing, Julia Ducournau, Jean-Philippe Toussaint, Christophe Honoré et Richard Linkla
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