Critique L’Épreuve
Mise en scène Robin Ormond
Robin Ormond s’inspire de deux pièces de Marivaux, L’Epreuve et La Dispute et présente une réécriture quelque peu brouillonne, portée par les jeunes comédiens de l’académie de la Comédie-Française.
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A l’épreuve du texte
Deux pièces de Marivaux se mêlent dans la réécriture proposée par Robin Ormond : L’Épreuve et La Dispute. Ces comédies du XVIIIe siècle, en un acte, traitent toutes deux de la recherche de l’authenticité en amour. L’Épreuve explore le stratagème conçu par Lucidor pour tester la véracité des sentiments d’Angélique. Celle-ci l’a soigné durant sa convalescence à la campagne. L’amour d’Angélique est sincère. Mais Lucidor, qui est riche, souhaite mettre à l’épreuve les sentiments de la jeune femme, qui est pauvre. Il déguise son valet Frontin en jeune noble plus riche que lui pour demander Angélique en mariage, afin d’observer sa réaction. Ce plan provoque la colère d’Angélique lorsqu’elle découvre la vérité.
Dans La Dispute, le Prince et son amante Hermiane débattent de l’inconstance en amour. Ils cherchent à déterminer lequel des deux sexes est le plus infidèle. Pour trancher cette question, le Prince conçoit une expérience. Il fait élever quatre enfants, deux garçons et deux filles. Isolés, entourés seulement de deux domestiques, ils n’ont aucun contact entre eux. Lorsque le Prince décide qu’il est temps de les laisser se rencontrer, les adolescents, garçons et filles, se trahissent mutuellement. L’expérience échoue à fournir une réponse, et le Prince et Hermiane, désabusés, disparaissent.
La réécriture de Robin Ormond s’inscrit dans le cadre de l’académie de la Comédie-Française. Conçu comme spectacle de fin de saison, celle-ci s’est nourrie, notamment, des propres expériences et du vécu des jeunes comédiens. Pas sûr que Marivaux y ait gagné. Angélique ne dit-elle pas que si Lucidor lui a tout de suite plu malgré sa singularité, c’est sans doute « qu’il l’a léchée le premier soir. »
Tenus à distance
Le spectacle s’ouvre sur une voix off, celle du Prince qui mène l’expérience. Ces « petites machines » qu’il a élevées, il prend soin d’elles. Sur le plateau, les personnages sont vus à travers un rideau de tulle. Semblablement, au Prince qui observe ses créatures, le spectateur est mis en position de voyeur. En avant-scène, une zone herbeuse, à un moment dotée d’une mare, ressemble à une prison sous verre. Les cobayes paraissent enfermés comme dans un bocal. Les deux serviteurs, qui les nourrissent, entrent vêtus d’une combinaison de protection intégrale blanche. Comme celles portées par la police scientifique ou le personnel hospitalier pendant l’épidémie de COVID.
Robin Ormond bouleverse volontairement la chronologie des événements. Des flashbacks, des allers-retours temporels, une multiplication de lieux brouillent les repères et entravent la compréhension de l’ensemble. Les personnages, qui par ailleurs, sont en recherche d’identité, sont, de fait, tenus à distance et perdent en consistance. L’ensemble est baigné par les lumières sculptantes de Nina Coulais, évoquant souvent un monde fait de ténèbres et de menace. Les créations sonores angoissantes de Tom Beauseigneur amplifient ce sentiment.
Les jeunes comédiens de l’académie de la Comédie-française ne déméritent pas. A commencer par Olivier Debbasch ou Alexandre Manbon, un jeune acteur atteint de surdité, à qui Robin Ormond a confié le rôle-clé de Lucidor. Sanda Bourenane offre un jeu plein de naturel. Les échanges, lâchés fréquemment comme des « punchlines » , sont empreints d’agressivité. Si les répliques vont vite, elles souffrent hélas d’être dites trop régulièrement sur le même ton. Le texte perd ainsi en relief.
Si visuellement, L’Épreuve mise en scène par Robin Ormond présente des images intéressantes, l’ensemble, quelque peu confus, manque souvent sa cible.
Les LM de M La Scène : LMMMMM
Après le spectacle, les entretiens de M La Scène : Robin Ormond
L’Épreuve
Festival Off Avignon
Librement adapté de Marivaux
Adaptation et mise en scène Robin Ormond
Avec Sanda Bourenane (Angélique et Une employée), Vincent Breton (Blaise et Un employé), Olivier Debbasch (Frontin), Yasmine Haller (Lisette et Une invitée), Alexandre Manbon (Lucidor) et les voix de Nicolas Chupin et Séphora Pondi de la Comédie-Française
Costumes Clément Desoutter
Scénographie, lumière Nina Coulais
Création sonore Tom Beauseigneur
Dramaturgie Laurent Muhleisen