Critique Frère(s)
mise en scène Clément Marchand
Frère(s) , mis en scène par Clément Marchand raconte l’histoire émouvante d’une amitié dans le milieu de la gastronomie. L’émotion et l’humour s’y distillent avec finesse.
Oui, Chef !
Maxime et Émile ont quinze ans lorsqu’ils se rencontrent pour la première fois. S’ils partagent la même formation, un CAP cuisine, ils n’appartiennent pas du tout au même monde. Le premier est plutôt frustre et rebelle. Issu de quartiers populaires, il se passionne pour le foot et n’arrive en cuisine que par dépit et hasard. Le second appartient au sérail. Son père est un chef reconnu. La cuisine est dans ses gènes mais, il est là pour faire ses preuves face à un père qui ne pardonne rien. Même si tout paraît les opposer, un lien fraternel puissant se créé entre eux.
Ensemble, ils affrontent les obstacles et grandissent. Ils gravissent une à une les marches du monde redoutable de la gastronomie régi par une injonction drastique : Oui, Chef ! Leur complicité devient leur force, une alliance qui les pousse à se dépasser chaque jour dans un univers exigeant et compétitif. Cependant, à mesure qu’ils avancent dans ce milieu impitoyable, où l’excellence ne laisse aucune place à l’erreur et où la compétition est féroce, leur lien commence à se fissurer. La pression incessante, les longues heures de travail et l’obsession de la perfection commencent à les séparer. L’un vise l’étoile. L’autre se contenterait d’un restaurant où ils seraient associés.
Un duo remarquable de comédiens
Frère(s) commence par un subterfuge. Maxime (Guillaume Tagnati) s’avance sur scène. Il désacralise la vision naïve des chefs, entretenue notamment par les réseaux sociaux, celle qui occulte la souffrance attachée à ce métier. S’il peut se le permettre, c’est, dit-il, que pendant vingt ans, il a été chef. Puis, annonce, « cette histoire est la mienne » . La force de la conviction fait vérité. Ainsi, pendant, un long moment, Frère(s) apparait-il comme un récit autobiographique assumé par celui qui l’a vécu. D’autant que le texte de Clément Marchand, porté par la grande complicité entre les deux formidables comédiens Jean-Baptiste Guinchard et Guillaume Tagnati, se charge d’une authenticité profonde. Cette fraternité joyeuse et vibrante sur scène nourrit celle des personnages.
Le dynamisme de la mise en scène s’appuie sur un décor mouvant, manié avec rapidité par les comédiens au fil des scènes. Semblable, au début, à un grand mur de carrelage, comme celui d’un laboratoire de cuisine, les éléments déplacés se transforment en divan, en gradin, en restaurant… Les murs se font, se défont, en fonction de l’avancée du récit. A cour, une petite estrade avec micro, permet aux comédiens d’interpréter les autres personnage qui rentrent en connexion avec Maxime et Émile. L’ensemble va vite, soutenu par un engagement total des deux acteurs. Le corps des comédiens, grâce au travail chorégraphique de Delphine Jungman, prend une véritable matérialité. Ainsi se révèle, de facto, combien celui-ci est sollicité et peut être malmené dans l’exercice de la gastronomie. Devenu une machine à faire et à exécuter, l’ami peut oublier celui dont la présence lui a été si précieuse.
Frère(s) de Clément Marchand laisse une impression durable et célèbre l’importance de l’amitié et des relations humaines. A découvrir au Théâtre des Corps Saints.
Les LM de M La Scène : LMMMMM
Frère(s)
Ecriture et Mise en scène : Clément Marchand
Avec : Jean-Baptiste Guinchard et Guillaume Tagnati
Musique : Patrick Biyik
Chorégraphie : Delphine Jungman
Lumières : Julien Barrillet
Scénographie : Natacha Markoff
Costumes : Juliette du Pont de Romémont
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