Critique Dan Då Dan Dog

Mise en scène Pascale Daniel-Lacombe

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Dan Då Dan Dog

Avec dérision et poésie, Dan Då Dan Dog, mis en scène par Pascale Daniel-Lacombe, propose un voyage subtil et savoureux dans un pays où le jour et la nuit se confondent, comme l’espace et le temps. 

Se jouer de la désespérance

Un brouillard givré emplit la scène et la salle. Dans une semi-pénombre, des pas se font entendre. Des personnages entrent et se fixent. Certains sont immobiles face public. Un couple, en fond de scène, est assis sur un vaste fauteuil. Celui-ci tournoie sur lui-même tandis qu’une voix s’élève. Celle d’un homme qui, inexorablement, amarre les mots dans le présent de la représentation, comme pour donner corps à ce que fut sa vie. « Là. C’est le matin. »  « Là. C’est la nuit » . Les mêmes mots s’égrènent. Ils disent le temps qui passe, années après années, mais, nourri de petits bonheurs : la venue d’un enfant, un voyage à Copenhague, un bon café.

Dans Dan Då Dan Dog, écrit en 2006, par le dramaturge suédois Rasmus Lindberg, la frontière entre la normalité et l’absurde s’efface dans une danse frénétique de tragédies et de coïncidences. Edith vient de perdre son mari. Il a emporté le passé. Pleine d’espoir, elle annonce qu’ « il lui reste l’avenir » . Mais, on lui diagnostique un cancer.

Son médecin, Herbert, se désespère, il vient d’égarer son chien. Comme le pasteur, il ressasse l’ennui et l’échec de sa vie. « Si seulement » ne cessent de répéter ces deux hommes. Si seuls. La petite fille d’Édith quitte le fils du pasteur et s’éprend d’Herbert. Par dépit et frustration, l’amoureux éconduit se saisit d’un fusil pour se venger. Il tire. La balle perdue atteint le chien qu’Édith tenait dans ses bras. « Tu as abattu mon présent » , dit-elle. Alors que passé, présent et avenir lui échappent, Édith se jette d’un pont et s’élève dans le ciel tandis que la nuit tombe, emportant avec elle les derniers vestiges du jour.

Quelque chose de magique

Loin de céder aux accents de désespoir qui irriguent les paroles des personnages, la mise en scène de Pascale Daniel-Lacombe inventive et alerte, cultive la poésie et la dérision. S’appuyant sur une scénographie fine et dynamique (Philippe Casaban, Eric Charbeau, Pascale Daniel-Lacombe), les espaces s’interpénètrent et toute logique vacille. Les éléments du décor, en mouvement sur des rails, apparaissent et disparaissent, comme par magie. Un banc, un réverbère, une table austère, un bahut, un fauteuil, un lit, une croix en bois, un vélo, une haute passerelle, construisent chacun une réalité, très vite absorbée par une autre. Les personnages traversent les espaces, poursuivent les dialogues, en faisant fi de toute temporalité. Ils sont en même temps, ici et ailleurs. 

Les lumières crépusculaires (Thierry Fratissier assisté de Manon Vergotte) contribuent à dresser les contours flous d’un monde où le jour et la nuit se confondent. Les latéraux distillent souvent une lumière aux teintes orangées ou grises. Le feu du jour et la nuit polaire se succèdent et se chevauchent. L’envol d’Edith, à la fin, dans la presque pénombre, semble irréel.

Les sept acteurs et musicien (Mathilde Viseux, Etienne Bories, Jean-Baptiste Szezot, Mathilde Panis, Etienne Kimes, Ludovic Schoendoerffer, Marcel Gbeffa, Benoit Randaxhe), puisque qu’un étonnant soubassophone blanc accompagne parfois les scènes,  les chansons et les chants, insufflent une énergie tonique à l’ensemble. Le ton est juste, vif, souvent plein de dérision. La jeune Mathilde Viseux, dans le rôle d’Amanda, ne peut que retenir l’attention. Tel un feu follet, elle sème des étincelles dans chacune de ses apparitions.

Dans Dan Då Dan Dog, le temps et l’espace se mêlent dans une danse troublante. Entre lumière et obscurité, tragédie et humour, la mise en scène de Pascale Daniel-Lacombe façonne un univers flottant, particulièrement séduisant, où chaque instant semble échapper à celui qui le vit.

Les LM de M La Scène : LMMMMM


Dan Då Dan Dog

T2G 

du 13 au 17 mars

Texte : Rasmus Lindberg © Éditions Espaces 34 — Adaptation de Le Mardi ou Morty est Mort

Traduction : Marianne Ségol, Karin Serres

Mise en scène : Pascale Daniel-Lacombe

Avec : Mathilde Viseux, Etienne Bories, Jean-Baptiste Szezot, Mathilde Panis, Etienne Kimes, Ludovic Schoendoerffer, Marcel Gbeffa, Benoit Randaxhe

Dramaturgie : Marianne Ségol

Assistanat à la mise en scène : Juliet Darremont-Marsaud

Scénographie : Philippe Casaban, Eric Charbeau, Pascale Daniel-Lacombe

Création lumière : Thierry Fratissier assisté de Manon Vergotte / Création sonore : Clément-Marie Mathieu

Composition musicale : Pascal Gaigne

Soutien chorégraphique : Compagnie Ex Nihilo, Jean-Antoine Bigot, Anne Le Batard

Fabrication décor : Les ateliers du Théâtre de l’Union — Limoges

Création accessoires scénographiques : Jérémie Hazael-Massieux, Clément-Marie Mathieu, Annie Onchalo, Laurent Boulé, Laurent Patard, Karlito Bouet-Levandoski, Etienne Kimes

Régie générale : Matthieu Duval Régie plateau : Chloé Chatham-Lawrence, Matthieu Duval, Jean-Philippe Boule en alternance Régie lumière : Manon Vergotte

Création Costumes : Béatrice Ferron.


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