Critique 3 annonciations

Texte et mise en scène Pascal Rambert

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Dans 3 Annonciations, Pascal Rambert s’inspire de la peinture de la Renaissance italienne pour interroger, par une parole invocatrice, le passé, le présent et l’avenir. Trois femmes, chacune dans sa langue natale, deviennent, à l’instar de l’archange Gabriel dans la Bible, des porteuses de messages. 

Prendre la parole dans la nuit

L’Annonciation est un événement fondateur de la religion chrétienne. Celui où l’archange Gabriel annonce à la Vierge Marie qu’elle sera la mère du fils de Dieu. De Fra Angelico à Léonard de Vinci, les peintres de la Renaissance italienne s’emparent de ce thème passionnant. Parvenir à représenter la préfiguration de la venue de Jesus dans le corps d’une femme est un vrai défi. Comment peindre l’indicible, le mystère, le divin en devenir ?

3 Annonciations, de l’auteur et metteur en scène Pascal Rambert, s’inspire de cette peinture pour interroger, par une parole invocatrice, le passé, le présent et l’avenir. Construite comme un triptyque où la lumière lutte contre la nuit, la pièce donne la parole à trois femmes. Chacune d’elles apparaît comme une forme spectrale émergeant du noir total pour délivrer son message. Chacune d’elles, dans sa langue natale, l’italien, l’espagnol, puis le français, tente, par la puissance invocatoire et prophétique des mots, de dire ce qu’il pourrait advenir. Comme une longue phrase, que seul le noir viendra interrompre, la parole essaie d’être initiatrice de liberté et de possible.

Le dispositif scénique évoque, par un arc de cercle fermé, le jardin clos que l’on retrouve dans nombre d’Annonciations. Souvent associé à la virginité de la Vierge, la symbolique du « hortus conclusus » est reprise par la présence d’un lys blanc sur le plateau. Mais, ici, les trois archanges semblent prisonniers d’un espace ouaté, sombre, qui contraint. 

Trois femmes archanges 

La première (Silvia Costa), semblable à une envoyée céleste, évoque l’Annonciation italienne du Quattrocento. Vêtue d’une robe de velours incarnat, surmontée de grandes ailes dorées et bleues, elle paraît, par le flot de mots qu’elle prononce, inviter à percevoir et à arpenter le monde en se délestant de ses peurs. « Le noir n’est pas le noir  » , « Tout s’ouvre sous la voûte » .

La seconde (Itsaso Arana), très impressionnante, parée d’une coiffe scintillante, et d’une robe baroque argentée, personnifie la Vierge. Celle qui, lors de la Semaine Sainte, à Séville, en Espagne, est portée à bras d’hommes dans les rues. La gestuelle de l’actrice renvoie à celle d’une statue. Les bras en croix, elle avance face public au ralenti annonçant des « temps qui font mal » , « des temps de violence » .

Enfin, la dernière (Audrey Bonnet) est projetée dans le ciel. Cosmonaute perdue dans une époque où l’humanité s’est détruite, à la fois mère et fille, elle erre à la recherche du souvenir du monde d’avant.

Les trois archanges au féminin portent une parole intense qui se libère dans un flot qui n’est interrompu que par la nuit profonde. Au terme de leur voyage sur scène, chacune se dénude, traîne ses vêtements devenus oripeaux et disparaît, happée par une pénombre opaque. Sensualité, maternité, vulnérabilité, se mêlent. Espoir et désespérance également. Car le message semble se délivrer sans qu’aucune lumière « divine »  ne vienne le soutenir.

Eclairé par les lumières magnifiques, crépusculaires d’ Yves Godin, qui émergent du noir total, 3 Annonciations de Pascal Rambert est sans nul doute un objet plastique unique.

Les LM de M La Scène : LMMMMM


3 Annonciations

Théâtre de Chaillot

Texte et mise en scène Pascal Rambert

Avec Audrey Bonnet (France), Silvia Costa (Italie), Itsaso Arana (Espagne)

Espace Pascal Rambert et Yves Godin
Lumière Yves Godin
Costumes Anaïs Romand
Musique Alexandre Meyer
Collaboratrice artistique Pauline Roussille
Traduction espagnole Coto Adánez Del Hoyo
Traduction italienne Chiara Elefante
Surtitrage Alessandra Calabi
Régie générale Alessandra Calabi

Le texte 3 Annonciations  éditions Les Solitaires intempestifs .


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