Critique Embrasser les cendres

Dans le cadre de la saison de la Lituanie en France, Renaud Herbin présente Embrasser les cendres. Deux marionnettistes animent et réaniment de petites créatures fantomatiques surgies de l’histoire traumatique de Klaipėda, une ville lituanienne. Des fils se tirent entre le passé et le présent. 

 Un voyage entre mémoire et imaginaire

Embrasser les cendres de Renaud Herbin est né d’une invitation du Théâtre de Marionnettes de Klaipėda. Le metteur en scène a imaginé un spectacle qui puise dans l’histoire traumatique de Klaipėda. En 1939, le Troisième Riech annexe la ville. En 1945, les soldats de l’Armée rouge entrent dans celle-ci. La majeure partie des habitants a déjà fui, mais les dix-huit qui restaient encore sont massacrés. A partir de ce soubassement historique, un travail de mémoire s’organise et s’inscrit dans un voyage nourri d’imaginaire.

Dès les premiers instants, les deux interprètes (Vytautas Kairys, Monika Mikalauskaitė Baužienė) impriment la scène de leur présence. Pieds nus, habillés de noir, ils se tiennent debout, devant le rideau de scène, pendant que le public entre. C’est par eux que le récit commence. Un son, des notes d’un piano désaccordé, réactivent une mémoire oubliée et chancelante. Le souffle des marionnettistes va permettre qu’elle puisse renaître de ses cendres. Les fils, qui vont être actionnés, qu’elle puisse être exhumée.

Une petite estrade rectangulaire, agrémentée de nombreux pendrillons, occupe le plateau. Au fil de la représentation, ces petits rideaux, maniés à vue, se lèvent et se baissent. Ils révèlent, derrière, d’autres espaces dotés eux aussi de tissus suspendus. Comme une mise en abîme des bribes emboitées de la même mémoire. Dans la boite noire qui contient l’ensemble, les jolies lumières dorées (Vilius Vilutis) isolent des espaces de jeu pour les marionnettes.

Les petits fantômes du passé

Celles-ci, parfois minuscules, d’à peine quelques centimètres, sont mues par des fils. Ces petites créatures, parfois sans visages, ou sans tête, aux corps mous, sont des fantômes surgis du passé. Vytautas Kairys et Monika Mikalauskaitė Baužienė leur donnent voix, citent leurs noms. Ces petits êtres paraissent tous égarés. Ils rient nerveusement, pleurent, crient. Leurs corps sont la proie de tressautements, de mouvements brusques incontrôlables. La folie et le désespoir priment sur toute autre émotion. Un écho terrible à ce que vivent aujourd’hui les peuples meurtris par la guerre.

Il est dommage cependant que le récit ou la parole l’emportent souvent sur la manipulation. Leurs aspects répétitifs alourdissent hélas l’ensemble. Ce spectacle se termine néanmoins sur une belle image. Les artistes miment au ralenti leurs gestes de marionnettistes alors que leurs mains sont désormais vides. Se réaffirme alors l’idée que l’imaginaire et le geste artistique peuvent faire revivre ce qui a disparu. « Heureux celui qui embrasse les cendres. » est-il dit à un moment.

Embrasser les cendres, mis en scène par Renaud Herbin, à travers les gestes des marionnettistes, souligne combien l’imaginaire peut redonner vie aux fantômes du passé, transformant la poussière de l’oubli en une mémoire vibrante.

Les LM de M La Scène : LMMMMM

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Embrasser les cendres

Le Mouffetard . Centre national de la marionnette

du 10 au 20 octobre

Dans le cadre de la saison de la Lituanie en France (2024)

Metteur en Scène, Dramaturge et Co-Auteur : Renaud Herbin
Dramaturge et Co-Autrice : Lina Laura Švedaitė
Compositeur : Arturas Bumšteinas
Création Lumières : Vilius Vilutis
Conception et construction des marionnettes : Gintarė Radvilavičiūtė, Aušra Bakanaitė, Agnė Jablonskytė
Historien Consultant : Vasilijus Safronovas
Interprétation : Vytautas Kairys, Monika Mikalauskaitė Baužienė ou Renata Kutaitė Raudonienė (en alternance)

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