Critique Gisèle Halimi, une farouche liberté

mise en scène Léna Paugam

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Gisèle Halimi, une farouche liberté
© Thomas O'Brien
 Dans Gisèle Halimi, une farouche liberté, sur la scène de La Scala Paris, Ariane Ascaride et Philippine Pierre-Brossolette redonnent vie aux combats de Gisèle Halimi.  Une adaptation puissante, hommage à son héritage féministe et humaniste.

Gisèle Halimi : une vie de combats

Gisèle Halimi est l’incarnation d’une grande avocate, militante et féministe. Un ouvrage Gisèle Halimi, Une farouche liberté, est paru aux éditions Grasset quelques temps avant sa disparition, en 2020. Ce livre d’entretiens, écrit en collaboration avec la journaliste Annick Cojean, retrace les luttes et engagements sans relâche de cette figure emblématique. Une femme qui, pendant soixante-dix ans, n’a cessé de porter haut la voix de la justice et de la liberté.

Gisèle Halimi, dès son enfance, incarne une révolte audacieuse. Née dans la Tunisie des années 1930, elle refuse de se conformer aux normes imposées aux filles de l’époque et s’affirme avec une détermination farouche. « Ma Mère a été la source de tous mes combats et ceci afin que les femmes ne lui ressemblent pas »  , dit-elle. Devenue avocate, elle fait de son métier un véritable combat, n’hésitant pas, au péril de sa vie, à défendre par exemple Djamila Boupacha. Gisèle Halimi démontre que les aveux de la jeune indépendantiste algérienne ont été extorqués par la torture et par le viol. Dans la foulée, elle poursuit le général Charles Ailleret, qui commandait alors l’armée française en Algérie, pour forfaiture.

Forte de ses convictions, l’avocate ne cesse de lutter en faveur des droits des femmes, notamment les plus vulnérables. Le droit à l’avortement et la criminalisation du viol sont les axes majeurs de son combat. L’association Choisir la cause des femmes, dont elle est la co-fondatrice avec Simone de Beauvoir, renforce son action sur le terrain politique et juridique.

Un esprit vivant de résistance

Philippine Pierre-Brossolette, aidée de Léna Paugam, qui assure la mise en scène de la pièce, a réalisé l’adaptation théâtrale du livre d’entretiens entre Annick Cojean et Gisèle Halimi. Aux côtés d’Ariane Ascaride, elles redonnent vie aux paroles de cette femme d’exception.

C’est dans un décor d’une grande sobriété qu’évoluent les deux comédiennes, Ariane Ascaride et Philipine Pierre-Brossolette. Un grand mur convexe occupe le fond du plateau. Tandis qu’une longue estrade aux teintes claires, très fine, en occupe le centre. Surmontée d’un banc de la même couleur, elle peut devenir prétoire ou multiplier les espaces de jeu et de parole. Sur le mur du fond, des projections rythment l’avancée du récit à deux voix. Un extrait du serment d’avocat, des esquisses de visages ou de paysages, les noms des « 343 » qui signèrent en 1971 le manifeste, quatre ans avant la loi Veil sur IVG, s’y affichent notamment.

Sur scène, les deux comédienne portent les mots de Gisèle Halimi dans une partition parfaitement maîtrisée. Ensemble, par leur présence d’une grande dignité, Ariane Ascaride et Philipine Pierre-Brossolette donnent à entendre la force de l’engagement de l’avocate et font revivre son esprit de résistance. Elles évoquent tour à tour les grandes causes de son combat : le droit des peuples colonisés à disposer d’eux-mêmes, la lutte contre la torture, le droit à l’avortement, la criminalisation du viol, ou encore la lutte pour la parité en politique. Grâce à elles, cette parole, aimantée par la soif de justice et de liberté, nous parvient intensément.

Gisèle Halimi, une farouche liberté est d’une cruelle actualité. A l’heure où l’on a pu découvrir une « avocate influenceuse »  se trémousser devant son iPhone pour récolter des « likes » au détriment d’une victime de viols dans « l’affaire Mazan » , on ne peut que constater l’absolue nécessité de continuer la résistance à l’obscurantisme et l’indignité. En cela, la pièce portée par Ariane Ascaride et Philippine Pierre-Brossolette est un spectacle essentiel. Une porte vers un chemin de lumière. A nous, hommes et femmes de l’emprunter.

Les LM de M La Scène : LMMMMM

Les entretiens de M La Scène : Ariane Ascaride et Philippine Pierre-Brossolette

Gisèle Halimi, Une farouche Liberté

La Scala Paris

Du 2024 au 2025

Texte Gisèle Halimi et Annick Cojean
ADAPTATION DU LIVRE D’ANNICK COJEAN ET GISÈLE HALIMI – © ÉDITIONS GRASSET

Mise en scène Léna Paugam
Adaptation de Agnès Harel, Philippine Pierre Brossolette et Léna Paugam
Interprétation
Du 17 septembre au 2 novembre : Ariane Ascaride et Philippine Pierre Brossolette
Du 2 mai au 31 mai : Marie-Christine Barrault et Hinda Abdelaoui
Assistanat à la mise en scène Mégane Arnaud
Scénographie Clara Georges Sartorio
Création Sonore Félix Mirabel, création Vidéo Katell Paugam
Création lumière Alexis Beyer


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