Le Mage du Kremlin
mis en scène Roland Auzet
Librement adapté du roman à succès de Giuliano da Empoli, Grand prix du roman de l’Académie française, Le Mage du Kremlin, mis en scène par Roland Auzet, braque les projecteurs sur les hommes de l’ombre qui ont placé Vladimir Poutine au pouvoir, le nouveau « Tsar de Russie » . La scénographie puissante emporte l’adhésion.
Ceux qui ont fait Poutine
Deux panneaux l’annoncent tandis que les spectateurs s’installent. L’histoire présentée est inspirée de faits et de personnages réels, à qui les auteurs ont prêté une vie privée. Si les propos sont imaginaires, l’histoire est annoncée comme une « véritable histoire russe » . Ainsi, derrière Vadim Baranov, le personnage fictif du roman Le Mage du Kremlin de Giuliano da Empoli, se dessine un authentique acteur de la politique actuelle russe : Vladislav Sourkov. Cet homme d’affaires influent, éminence grise de Poutine, est considéré comme l’un des hommes qui a porté au pouvoir celui que certains nomment désormais « le tsar » .
C’est, à Moscou, dans la résidence privée de Baranov que débute l’action de la pièce. Dès les premiers instants, la scénographie (Cédric Delorme Bouchard) prend sens. Tandis que le sol réverbère les puissantes lumières des projecteurs, les acteurs évoluent dans un espace saturé de miroirs. Les trois murs de la « boîte » , semblablement à une galerie des glaces, réfléchissent les corps, même ceux des spectateurs qui se tiennent dans la salle. Sans cesse sous le regard d’autrui, les personnages paraissent totalement prisonniers, comme s’ils se déplaçaient dans un grand aquarium. Aucune liberté en semble possible.
Conçu en trois parties, – aujourd’hui, les années 2000, puis à nouveau aujourd’hui- , Le Mage du Kremlin, braque violemment les projecteurs sur les hommes de l’ombre qui ont porté Poutine au pouvoir. Les éclairages, souvent tranchants, couplés à des sons additionnels retentissants, rythment les différentes scènes de la représentation. L’ascension du nouveau « Tsar de Russie » se pare d’une brutalité assumée. Des images d’archives contribuent à inscrire ce qui est joué sur le plateau dans la réalité. Ainsi voit-on en gros plan, Nadejda Tylik, la mère d’un marin tué lors du naufrage du K-141 Koursk, droguée de force pour la faire taire.
Si la première partie manque un peu de dynamisme, les suivantes, en revanche, s’imposent par une plus grande vivacité. L’ arrivée d‘Hervé Pierre qui interprète Boris Berezovsky, y est assurément pour beaucoup. Le comédien capte tous les regards et campe, par la force de sa présence, la duplicité et la morgue bonhomme de l’oligarque, bientôt tombé en disgrâce. La mise en scène de Roland Auzet gagne aussi en vitalité. La partition se dope de musique. Claire Sermonne et Irène Ranson Terestchenko, micros en main, interprètent des chants vengeurs en direct. Lorsqu’elles apparaissent cagoulées, l’image des Pussy Riot se réactive dans l’instant.
Le Mage du Kremlin doit beaucoup au style brillant de Giuliano da Empoli et à sa connaissance aiguë des arcanes du pouvoir russe. La scénographie puissante, comme le travail ciselé sur l’éclairage et le son, insufflent une belle énergie au plateau et permettent au spectacle d’échapper à l’écueil du trop écrit.
Les LM de M La Scène :LMMMMM
Le Mage du Kremlin
15 septembre au 3 novembre 2024
Librement adapté du roman Le Mage du Kremlin de Giuliano da Empoli, © Editions Gallimard, 2022
Adaptation Roland Auzet
Mise en scène Roland Auzet
Avec Hervé Pierre (Sociétaire de la Comédie-Française), Karina Beuthe Orr, Philippe Girard, Andranic Manet, Stanislas Roquette, Claire Sermonne, Irène Ranson Terestchenko
Assistanat à la mise en scène Pauline Cayatte
Scénographie Cédric Delorme Bouchard
Lumières Cédric Delorme Bouchard
Costumes Victoria Auzet
Vidéo & musique Wilfried Wendling
Régie Générale Jean-Gabriel Valot
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