Sur un projet de Marie Rémond, Cataract Valley, aux Ateliers Berthier, plonge le spectateur dans un monde onirique où les frontières entre folie et raison se brouillent.
Le tumulte souterrain des CONSCIENCES
Tiré d’une nouvelle de Jane Bowles adaptée par Marie Rémond et Thomas Quillardet, Cataract Valley frappe par la qualité du sensible qui se déploie sur scène. Aux fêlures de l’âme des personnages répond la mise en scène, chambre d’échos de tous les non-dits.
L’histoire est celle d’Harriet. Celle-ci s’éloigne régulièrement de sa famille pour soigner ses « crises nerveuses » au Camp Cataract, situé près d’une chute d’eau. Mais, cette fois-ci, la jeune femme est rejointe par une de ses sœurs, Sadie, en proie à une grande détresse intérieure. Les deux personnages, enfermées dans leur névrose, ne parviendront pas à communiquer.
Dans le tumulte bouillonnant de la cascade, les consciences souterraines aspirent à se perdre. Au bord du gouffre, elles se font entendre et se fracassent contre les mots qui ne sont pas ceux que les personnages voudraient qu’ils soient. Ecriture vertigineuse de Jane Bowles qui étouffe l’aigreur avec distance et humour.
Et au milieu coule une rivière
Cataract Valley met en lumière deux espaces. Un espace de frustration et un espace d’aspiration à la liberté. Côté jardin, en avant-scène, deux pans de murs, dont l’un percé d’une petite fenêtre, font exister à la fois, la cabane refuge d’Harriet et l’appartement sclérosant où vivent les deux autres sœurs, Sadie, Evy et le mari immonde de celle-ci. A l’étriqué du lieu répond l’oppression des consciences. Parler est impossible.
Derrière les deux pans de murs, un autre monde existe. Terre brune, écorce de pins, rondins, arbustes, sapins, arbres jetant leurs cimes vers l’air chargé de pluie. Et au milieu coule une rivière. Nuitamment Harriet y glisse sur une pirogue indienne. Au lointain, ce sont les rebords du précipice et les chutes qui parfois s’abattent sur le plateau.
La très belle scénographie de Mathieu Lorry-Dupuy est poétiquement mise en valeur par le travail sonore remarquable d’Aline Loustalot et les lumières de Michel Le Borgne. Les quatre acteurs (Caroline Arrouas, Caroline Darchen, Laurent Ménoret et Marie Rémond) font entendre à la fois la violence des tensions et la cocasserie de certaines situations. On regrettera juste le recours à la voix off en toute fin. Comme s’il avait été impossible de traduire scéniquement le paradoxe émotionnel vécu par Harriet et Sadie. C’est le seul bémol de cette partition sensible.
Cataract Valley Jusqu’au 15 juin – Berthier 17e petite salle
adaptation et mise en scène Marie Rémond et Thomas Quillardet
traduction Claude-Nathalie Thomas
M La Scène avait déjà beaucoup aimé Marie Rémond dans Soudain l’été dernier mise en scène par Stéphane Brauschweig