Kreatur, Hors Sujet
La chorégraphe allemande Sasha Waltz, après dix ans de travail avec l’opéra, choisit de revenir à la danse et à la musique électronique. Sur la thématique de la violence et de la perte de liberté, elle crée Kreatur mais, hélas, reste dans une illustration qui flirte parfois avec le ridicule.
Le premier tableau est pourtant saisissant. Des êtres entrent sur scène prisonniers de cocons vaporeux. Au ralenti, à petits pas, ils prennent possession du plateau et se rencontrent. Des corps nus se glissent à l’intérieur des gangues nébuleuses. D’autres s’en extraient. De cette naissance première va naître un groupe, une horde. De cette douceur première va naître la violence.
Toute la partie initiale de Kreatur est convaincante. La délivrance des cocons, le duo entre le géant Virgis Puodziunas et la presque enfant, Zara Randrianantenaina, la diagonale primitive qui voit avancer la horde, la duplication des corps, réfractés par la lumière sur le plexiglass qui les entoure.
Quand l’artifice règne
Mais très vite, l’artificiel prend le pas sur le ressenti. Les danseurs se mettent à parler. Pour dire quoi? « Dominique, la technique, la politique… (d’autres rimes en « ique » suivent)… alors qu’on pourrait tous s’entendre… » Message qui fait presque hoqueter de rire. Puis, le mouvement devient robotique, appuyé par des symboliques qui alourdissent l’ensemble. La grosse poutre introduite sur scène, difficilement maniable, devient élément de crucifixion ou image du phallus, au son de la chanson « Je vais et je viens » de Gainsbourg tandis, qu’effectivement, la poutre passe sous les reins d’une danseuse cambrée.
Le grand escalier, à cour, n’est utilisé que de façon anecdotique. La horde, à un moment, s’y précipite. Il s’agit bien évidemment de l’illustration d’une tentative d’évasion. Mais, l’instant n’est pas creusé. Comme si on n’avait pas su quoi en faire. L’escalier est repris à un moment. Détaché de son support, il devient un escalier en mouvement sur lequel une danseuse monte, puis, descend. L’image est mise au centre du plateau. Encore une fois, le sentiment qui domine le spectateur est d’assister alors à des morceaux plaqués qui ne génèrent ni « l’effroi », ni « l’inquiétude », ni la « fascination », comme le souhaitait Sasha Waltz, mais l’ennui.
Une danse qui promettait d’être forte et déroutante
La déception est d’autant plus grande que sur le papier la danse promettait d’être forte et déroutante. Les propos sur la Stasi, sur le Goulag, ont peut-être dénaturé l’énergie originelle du projet qui était de travailler avec des créateurs ( Iris van Herpen , Urs Schönebaum, Sound Collective) afin de faire naître une rencontre des sens. Celle-ci fonctionne dans les premiers tableaux magnifiques de Kreatur. Le spectacle est donc à voir pour ce qui aurait pu être.
Avec Liza Alpízar Aguilar, Jirí Bartovanec, Davide Camplani, Clémentine Deluy, Peggy Grelat-Dupont, Hwanhee Hwang, Annapaola Leso, Nicola Mascia, Thusnelda Mercy, Virgis Puodziunas, Zaratiana Randrianantenaina, Yael Schnell,
Corey Scott-Gilbert, Claudia de Serpa Soares
Chorégraphie Sasha Waltz
Collaboration artistique Davide Di Pretoro
Costumes Iris van Herpen
Lumière Urs Schönebaum
Son Soundwalk Collective
Dramaturgie Jochen Sandig