BAAL de Brecht mise en scène Christine Letailleur

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LM M Baal mise en scène de Christine Letailleur

Baal : Son nom dans l’effroi du monde

Fable cruelle et noire, Baal de Bertolt Brecht, hanta le dramaturge allemand jusqu’à sa mort au point de ne cesser de remanier cette pièce de jeunesse. Baal, le personnage principal, est un poète anarchiste, jouisseur, un Villion maudit, asocial qui piétine les valeurs bourgeoises avec volupté et violence. Comme la divinité mythologique païenne dont il porte le nom, il attend soumission de ceux qui le croisent et qui l’aiment, femmes aux genoux blancs, vierges subjuguées, prostituées, compagnons d’ivrognerie et public de cabaret. Il envoute et détruit. Le poète sulfureux, finalement seul, revendique l’apprentissage du monde par l’effroi.

A la Colline, Christine Letailleur met en scène la deuxième version de la pièce dans une traduction d’Éloi Recoing qui en fait jaillir les fulgurances poétiques et musicales. La langue est âpre, nourrie d’incantations douloureuses : Baal est un dieu vorace qui dévore tout, une « bête » qui « bouffe » les ventres et les bouches. Son nom, « Baal », entêtant, terrible, scandé par tous et toujours, envahit chaque parcelle de la parole au point d’en saturer l’espace.

mlascene Baal de Brecht à la Colline mise en scène Christine Letailleur
@Brigitte Enguerand

Stanislas Nordey, une présence magnétique

Pour incarner ce personnage incandescent, Christine Letailleur a choisi Stanislas Nordey. Sa silhouette émaciée arpente l’espace avec la souplesse d’un fauve et rompt avec celle que Brecht avait imaginée, lourde, grasse, adipeuse. Le comédien magnétise. Il est Baal. Il porte le personnage dans ses excès et ses failles. « Si fatigué soit Baal, Baal ne sombre jamais: Baal emmène son ciel avec lui vers en bas. » La même énergie les anime. Les mots du poète sont clamés, lancés comme des couteaux aiguisés. On regrettera juste une diction chuintante gênante dans la première scène où le « ciel » devient « chiel ». A ses côtés, émergent les présences de Vissent Dissez ( Ekart, l’ami fidèle que Baal finit par assassiner) et de Youssouf Abi-Ayad  qui campe un Johannes très convaincant.

L’Enfer sur scène

La pièce s’ouvre par les mots du poète tandis que sur un cyclorama en fond de scène se projettent des teintes rougeoyantes dans lesquelles viendront s’inscrire le nom éponyme du personnage. Elle se clôt sur les mêmes flammes qui dévorent l’écran et consument celui qu’on ne peut plus nommer. L’enfer du monde brûle le poète, si ardent fût-il. Visuellement, Christine Letailleur propose une mise scène riche et ciselée: ombre portées, espace découpé au sol par les lumières, travail sur la transparence, sur la latéralité, sur la verticalité. La scénographie d‘Emmanuel Cloius est inventive, les  lumières de Stéphane Colin magnifiques. Pourtant,  quelque chose ne fonctionne pas. Tout simplement, parce que le texte de Brecht présenté avec ses redites et ses longueurs, appauvrit le visuel. Il est vraiment dommage que des coupures n’aient pas été faites. Baal aurait, alors, à n’en pas douter, allumer les brasiers de la mémoire.

 http://www.colline.fr/

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