Une vision sans emphase, ancrée dans le réel
L’entretien accordé à France Inter par Clément Hervieu-Léger éclaire avec précision sa façon d’aborder son nouveau mandat à la Comédie-Française : lucidité, continuité, articulation fine entre héritage et présent. Aucune esbroufe. Une vision serrée, assumée, qui replace l’institution dans un mouvement plutôt que dans une posture.
Le répertoire comme espace vivant
Le cœur de son propos tient dans sa manière d’aborder le répertoire. En évoquant Le Misanthrope, il rappelle que Molière a fait exploser les cadres de son époque en exigeant des acteurs une véritable incarnation. Loin des stéréotypes, il leur demandait de devenir ce qu’ils représentaient. Une idée fondatrice, que Clément Hervieu-Léger place au centre de son regard sur la scène : un théâtre qui parle de nous, de nos contradictions, de nos failles. Un théâtre qui nous parle encore plusieurs siècles plus tard comme en atteste l’engouement que continue de susciter les œuvres de Molière.
Une maison pensée comme un collectif
Cette notion d’incarnation, il la relie à la devise de la maison : « être ensemble et être soi-même ». La Comédie-Française comme collectif avant tout, troupe avant institution et qui doit faire son chemin à l’extérieur. Il ne s’en cache pas : l’administrateur général n’est pas un directeur qui impose, mais un coordinateur qui met en musique une organisation où les sociétaires participent réellement aux choix. Un constat simple, clair, en parfaite continuité avec ce que reflétait déjà l’interview de Clément-Hervieu-Léger faite par M La Scène pour son spectacle Place de république, lorsqu’il évoquait son rapport de metteur en scène au travail d’acteur : précision, écoute, transmission.
Des choix structurels guidés par le pragmatisme
Sur le plan structurel, il acte l’abandon de la nouvelle salle prévue par son prédécesseur. Contexte économique oblige. Le pragmatisme domine : utiliser pleinement les trois salles existantes, renforcer la présence en régions et créer dans d’autres lieux plutôt que bâtir de nouveaux espaces. La démarche rejoint ce que défendait Clément Hervieu-Léger dans notre interview au Lucernaire : un théâtre qui respire autrement, un théâtre qui n’a pas besoin d’ampleur architecturale pour être vivant, mais d’attention au texte et au public.
Un répertoire à ouvrir, une mémoire à maintenir en mouvement
Clément Hervieu-Léger assume aussi un repositionnement du répertoire : ouvrir davantage la maison à des auteurs non encore présents à la salle Richelieu, y compris des œuvres contemporaines. Rappeler que tout classique fut un contemporain. Et surtout, éviter la muséification. Là encore, la cohérence est nette : M La Scène relevait combien, dans son écriture scénique, il cherche moins l’illustration qu’une mise en tension entre mémoire et présent. On retrouve ce principe dans son approche institutionnelle.
Des contraintes financières assumées sans détour
Les questions budgétaires sont traitées sans détour. Baisse des subventions, nécessité de mécénat, ligne de crête étroite. Il ne masque rien, et refuse tout discours héroïque. Il défend en revanche l’accessibilité du théâtre : tarifs abordables, places de dernières minutes au guichet. Un discours au cordeau, loin de la langue de bois, qui rejoint la même exigence de sobriété qu’on trouve dans son travail artistique.
Le théâtre comme lieu politique, dans son acception la plus essentielle
Enfin, Clément Hervieu-Léger insiste sur la fonction politique du théâtre, un théâtre engagé et non pas militant : un espace où l’on se rassemble pour regarder le monde. Ici aussi, continuité évidente avec ce que M La Scène décelait dans Place de la République : un théâtre de présence, un théâtre de relation, un théâtre qui prend le spectateur au sérieux.
Une direction par précision plutôt que par rupture
Ce qui ressort de l’entretien de France Inter, c’est donc une ligne claire pour le nouvel administrateur général de la Comdie-Française. Pas de révolution. Pas de rupture forcée. Une direction par ajustements précis, par cohérence, par fidélité à ce que le théâtre peut. Une manière de faire qui, lorsqu’on la met en regard de ses propos comme metteur en scène dans l’interview de M La Scène, dessine un portrait sans fioritures : celui d’un artiste et d’un directeur qui avance avec la même méthode, sobre, rigoureuse, ancrée dans le réel, profondément attachée à la scène et à ceux qui la font.