Tiago Rodrigues Hécube pas Hécube Interview

Tiago Rodrigues livre à M La Scène les clés de son spectacle Hécube, pas Hécube, au Cloître des Carmes, Avignon

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Autour de l’idée de justice et de réparation, Hécube, pas Hécube de Tiago Rodrigues, fusionne avec brio la tragédie antique d’Euripide et la modernité d’un drame contemporain. Parmi les pierres rugueuses de la Carrière du Boulbon, les comédiens de la Comédie-Française, s’emparent du texte pour en restituer toute sa justesse.

Tiago Rodrigues, 'Hécube, pas Hécube' : les Entretiens de M La Scène

Tiago Rodrigues, Hécube pas Hécube, livre les clés du spectacle au Festival d'Avignon,  @Mlascene

Hécube pas Hécube : une tragédie entre mythe et réalité

  • Un dialogue entre le mythe et le présentHécube pas Hécube s’inspire de la tragédie d’Euripide, mais ne se contente pas de la rejouer : elle en extrait l’essence pour raconter une histoire contemporaine. Dans la pièce, une comédienne, Nadia, se prépare à incarner Hécube, cette reine troyenne qui, devenue esclave après la guerre, cherche désespérément justice pour son fils assassiné. Mais au-delà du rôle qu’elle interprète, Nadia est aussi une mère qui, dans la vie réelle, se bat pour obtenir justice après que son propre enfant, atteint d’un handicap, a été victime de maltraitance dans une institution de l’État. Ainsi, le spectacle tisse un lien profond entre l’expérience d’une mère antique et celle d’une mère d’aujourd’hui, interrogeant la constance de la douleur maternelle à travers les âges.
  • Justice et vengeance : un dilemme intemporel – La pièce met en lumière la tension entre deux réponses face à l’injustice : la vengeance et la justice institutionnelle. Hécube, confrontée à l’impunité et à la lâcheté des autorités grecques, n’a d’autre recours que la vengeance. Elle devient bourreau à son tour, incarnant la spirale tragique de la loi du talion. En revanche, Nadia, bien qu’immergée dans la douleur, choisit de s’accrocher à l’État de droit, à la lenteur des procédures, à l’espoir d’une justice réparatrice. Par ce contraste, Hécube pas Hécube questionne le spectateur : dans un monde où l’injustice demeure, que reste-t-il à ceux qui souffrent ?
  • La vulnérabilité des oubliés – Au-delà du drame personnel de Nadia, la pièce élargit son regard pour évoquer une problématique sociétale plus large : la manière dont nos sociétés traitent leurs membres les plus fragiles. Enfants en institution, personnes âgées en EHPAD, migrants sans-papiers… Tous sont confrontés à des systèmes administratifs froids, parfois défaillants, qui semblent oublier leur humanité. La pièce met ainsi en évidence la responsabilité collective dans le sort réservé aux plus vulnérables et invite à une prise de conscience sur notre manière de considérer ceux qui ont besoin de protection.
  • Le théâtre comme lieu de réparation – L’œuvre questionne également le rôle du théâtre : est-il un simple divertissement ou un outil permettant de penser le monde ? En mettant en parallèle la tragédie antique et une enquête judiciaire contemporaine, Hécube pas Hécube illustre la capacité du théâtre à offrir un espace de réflexion et de consolation. Il devient un lieu où la fiction, loin d’être une fuite, aide à affronter la réalité, où la parole scénique permet de redonner un sens aux douleurs de la vie.
  • Un décor théâtral en résonance avec l’histoire – La Carrière de Boulbon, avec ses parois de pierre brute et son immensité, devient un élément central de la mise en scène. Ce site, qui évoque l’architecture des théâtres antiques, donne à la tragédie une ampleur et une gravité particulières. Il agit comme un écho à la verticalité du destin des personnages, à la fois écrasés par l’histoire et sublimés par leur combat.
  • Une tournée européenne pour porter le message – Après sa présentation à Avignon, Hécube pas Hécube poursuivra son voyage à travers l’Europe avant de revenir en 2025 à la Comédie-Française. Cette diffusion internationale témoigne de l’universalité du propos de la pièce et de la nécessité de porter ces questionnements à un large public.

Hécube, pas Hécube

Mise en scène Tiago Rodrigues

Avec les interprètes de la Comédie-Française : Éric Génovèse, Denis Podalydès, Elsa Lepoivre, Loïc Corbery, Gaël Kamilindi, Élissa Alloula, Séphora Pondi
Texte et mise en scène Tiago Rodrigues
Traduction Thomas Resendes (français)
Scénographie Fernando Ribeiro
Costumes José António Tenente
Lumière Rui Monteiro
Musique et son Pedro Costa
Collaboration artistique Sophie Bricaire
Traduction pour le surtitrage Panthea


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