L’Elixir d’Amour L’Elisir d’Amore, mise en scène Adriano Sinivia
L’Élixir d’Amour, L’Elisir d’Amore, de Gaetano Donizetti, mis en scène par Adriano Sinivia, à l’Opéra National de Bordeaux, enchante et ravit.
Che bella fantasia !
Le livret l’annonce, la scène est à la campagne. Un jeune moissonneur timide, Nemorino, aime la riche et inaccessible Adina. Celle-ci est courtisée par un sergent arrogant. Par dépit, le naïf Nemorino achète l’élixir d’amour à un charlatan. Il s’agit en réalité d’une bouteille de vin de Bordeaux. Le mariage entre Adina et son rival semble néanmoins se concrétiser. Le villageois n’hésite pas alors à s’engager dans l’armée. La prime lui offre la possibilité d’obtenir un deuxième élixir auprès du faux médecin. Il ignore qu’il a hérité de la fortune de son oncle. De nombreuses jeunes femmes le convoitent, ce qui déclenche la jalousie d’Adina. Bientôt touchée par l’amour sincère de Nemorino, celle-ci laissera tomber sur sa joue, une larme furtive. Le villageois comprend qu’elle l’aime et l’attribue au pouvoir du breuvage magique.
A partir de cet univers bucolique et champêtre, Adriano Sinivia invente un monde totalement féérique. Les personnages deviennent des petites créatures vivant à l’abri des épis de blé. C’est dans une clairière que Adriano Sinivia dit avoir trouvé l’idée de sa transposition inventive. « Je me suis retrouvé sur un pré à écouter la musique, à lire le livret. (…) Tout en réfléchissant, j’ai vu des fourmis qui se baladaient au dessus du pré. Je me suis dit que cela pouvait être l’idée. En sachant qu’il y a plein de légendes qui existent dans tous les pays du monde où il y a de petits bonhommes dans les forêts, les maisons, les campagnes. » L’univers de l’opéra de Donizetti bascule alors dans la plus belle des fantaisies. Au royaume des lilliputiens, la gaité et l’humour seront rois.
L’imagination au pouvoir
Tout est dans les détails. Dès les premières minutes de L’Elixir d’Amour, tandis que l’orchestre s’échauffe et s’accorde, le spectateur perçoit le chant des cigales. Pendant l’ouverture, un film est projeté sur le rideau d’avant-scène. On y découvre un paysage campagnard aux couleurs estivales. Des oiseaux passent. La caméra avance vers un champ de blés mûrs. Un papillon virevolte. Le travelling avant se poursuit vers un tracteur arrêté en s’inclinant légèrement. Quand l’écran se lève, on découvre le microcosme qui se cache à hauteur de fourmis : un petit peuple de légende où le merveilleux règne.
Tout au long du spectacle, dans le décor poétique de Cristian Taraborrelli, des images cocasses et sensibles se succèdent. L’imagination est au pouvoir. Deux enfants se font une lance d’un bout de bois, pour se défendre d’un corbeau qui plonge sur eux. La roue du tracteur, immense, sert de silo pour entreposer les fraises portées à dos d’homme. Les épis de blé sont des mâts de cocagne. Des feuilles tombent qui deviennent parchemin. Nemorino apparaît chevauchant un coquelicot. Le sergent et son armée sortent d’une boite de conserve aux apparences d’un tank. Le bonimenteur est juché sur un char de fortune flanqué de deux petites cuillères. Comme un hommage au théâtre de foire et à Fellini, sa mécanique désuète, actionnée par des roues crantées, enchante.
A l’acte II, un manège trône. Il se remonte à la main par une grosse clef à molette. Orné de néons lumineux, il sert de tréteaux ou de carrousel. Sur un cheval de bois, le sergent armé d’un sabre de bois, fanfaronne comme Napoléon de pacotille. A tout moment, l’enfance et son cortège d’invention se déploient sur scène.
Cavatines et romances
La mise en scène imaginative d’Adriano Sinivia se met au service de la musique pour en souligner la fraîcheur et le charme. En deux actes, l’opéra de Donizetti développe un mélange harmonieux de comique et de mélodies touchantes. Cavatines, romances et arias se suivent avec bonheur. « Quanto è bella, quanto è cara » soupire l’amoureux transi, Nemorino à l’acte I. Lorsqu’il chante « Una furtiva lagrima », c’est tout le bonheur d’être enfin aimé qui s’exprime à l’acte II. « Elle m’aime, oui, elle m’aime : je le vois, je le vois./ (…) Je ne demande rien de plus, rien ! / Après on peut mourir, après on peut mourir d’amour ! »
Le ténor, Kevin Amiel porte l’émotion de cet air célèbre avec tellement de profondeur que le public semble retenir son souffle. Face à lui, la talentueuse soprano sud-africaine Golda Schultz campe un Adina pétillante et sensible. Sa voix vibre avec force et éclat. On retiendra aussi la prestation du baryton Giorgio Caoduro qui interprète Dulcamara, le charlatan. Le plaisir du jeu se mêle à celui du Bel canto.
Sous la direction énergique de la jeune cheffe d’orchestre Nil Venditti, l’Orchestre et le Chœur de l’Opéra National de Bordeaux, donnaient à L’Élixir d’Amour de Donizetti, une vivacité rafraichissante.
A Bordeaux, on ne peut que se délecter de cet élixir magique. ♥♥♥♥♥
L’Elixir d’Amour (L’Elisir d’Amore) de GAETANO DONIZETTI (1797-1848)
Melodramma giocoso en deux actes créé le 12 mai 1832 au Teatro della Canobbiana de Milan.
Musique de Gaetano Donizetti
Livret de Felice Romani d’après le livret d’Eugène Scribe
Éditions G. Ricordi & Co. Bühnen- und Musikverlag GmbH, Berlin
DIRECTION MUSICALE |
Nil Venditti
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MISE EN SCÈNE |
Adriano Sinivia
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DÉCORS |
Cristian Taraborrelli
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COSTUMES |
Enzo Iorio
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LUMIÈRES |
Fabrice Kebour
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DISTRIBUTION A – 1ER, 4, 6, 8 AVRIL | |
ADINA |
Golda Schultz
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NEMORINO |
Kevin Amiel
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BELCORE |
Samuel Dale Johnson
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DULCAMARA |
Giorgio Caoduro
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GIANNETTA |
Sandrine Buendia
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DISTRIBUTION B – 2, 5, 7, 10 AVRIL | |
ADINA* |
Catherine Trottmann
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NEMORINO* |
Yu Shao
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BELCORE* |
Dominic Sedgwick
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DULCAMARA* |
Julien Véronese
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GIANNETTA* |
Sandrine Buendia
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ORCHESTRE |
Orchestre National Bordeaux Aquitaine
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CHŒUR |
Chœur de l’Opéra National de Bordeaux
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DIRECTION DU CHŒUR |
Salvatore Caputo
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Acrobates, Maëlle Bestgen, Nicolas Parraguez, Mélanie Vinchent
Les Enfants, Pablo Steinmetz-Maradan, Tahina Romy (distribution A), Jouah Kim, Lys Héquet (distribution B)
Artistes de la figuration, Cyril Cosson, Léo Fournier, Sébastien Héquet, Vladimir Hugot, Bastien Plas
Assistante direction musicale, Elaine Kelly
Chefs de chant, Nino Pavlenichvili et Jean-Marc Fontana
Assistant lumières, Patrick Clitus
Régie générale, Marie–Lys Navarro
Régie de scène, Hadrien Delanis et Clément Duvert
Maquillages réalisés par Annie Lay-Bardon
Production Opéra de Lausanne
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