Foisonnant, baroque, jubilatoire, le Hamlet mis en scène par Jérémie Le Louët au 11 Gilgamesh Belleville décoiffe. Les six comédiens de la Cie des Dramaticules font vivre le texte de Shakespeare comme sa déconstruction.
Critique Hamlet
QUELQUE CHOSE de fou au royaume du DANEMARK
L’entrée tonitruante dans la salle annonce la couleur. Menés par l’ambianceur (le virevoltant, Pierre-Antoine Billon, en pull et chemise), les spectateurs sont « chauffés » pour accueillir et acclamer le roi Claudius et la reine Gertrude à leur arrivée filmée en direct. Dans la pièce pourtant, pas de superbe. Les convives paraissent avoir déserté le lieu. Ne reste qu’une poignée de personnes-acteurs et nous, les invités-le peuple face à une pièce ravagée, jonchée de détritus. Cette fin piteuse de banquet de noces ne présage rien de bon pour ce début de règne.
Les choix esthétiques mêlent factice et réel. Drapeaux du Danemark, statues en stuc, figures de Sigmund Freud et de Laurence Olivier en carton, ballons, tentures, écran, micro, l’ensemble volontairement surchargé, poussé à l’extrême, affirme l’ostentatoire comme revendication. Lorsque l’on interroge Jérémie Le Loüet sur le baroque, le jeune metteur en scène cite dans l’instant la définition qu’en donna Jorge-Luis Borges dans Histoire de l’infamie en 1954 : « Le baroque est le style qui épuise délibérément (ou tente d’épuiser) toutes ses possibilités, et qui frôle sa propre caricature. […] J’appellerai baroque l’étape finale de tout art lorsqu’il exhibe et dilapide ses moyens. » Pour Jérémie Le Louët, le baroque est également lié à l’idée de générosité.
La mise en scène de Jérémie Le Louët, portée par l’énergie de la Cie des Dramaticules et une régie technique de pointe, a l’éclat de ce « barroco » dont parlait les Portugais. Une pierre irrégulière qui fait fi des modèles et tire sa force de sa capacité à transformer le Hamlet de Shakespeare en un objet unique et brillant.
Festival OFF d’Avignon : Au 11 Gilgamesh Belleville, à 22h10.
D’après William Shakespeare
Adaptation et mise en scène Jérémie Le Louët
Collaboration artistique Noémie Guedj
Avec Pierre-Antoine Billon, Julien Buchy, Anthony Courret, Jonathan Frajenberg, Jérémie Le Louët et Dominique Massat
Scénographie Blandine Vieillot
Costumes Barbara Gassier
Construction Guéwen Maigner
Vidéo Thomas Chrétien et Jérémie Le Louët
Lumière Thomas Chrétien
Son Thomas Sanlaville
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