Critique Hedda

Mise en scène Aurore Fattier

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Hedda, mis en scène par Aurore Fattier, interroge la pièce phare d’Henrik Ibsen Hedda Gabler et le suicide final de son héroïne par des mises en abyme successives. Une jeune metteuse en scène monte l’oeuvre théâtrale. Un va et vient scénique entre les loges du théâtre et le plateau, entre les vies personnelles et les destins fictifs ou « réels » , organise une réflexion sur la création « in situ » . Découvrir ci-dessous notre interview vidéo  d’Aurore Fattier sur la chaine YouTube de M La Scène.

Critique Hedda

Hedda ou les abîmes de l’âme humaine

Comment une jeune mariée enceinte peut-elle en arriver à se suicider ? La pièce d’Ibsen, Hedda Gabler, écrite en 1890, retrace le destin tragique de l’héroïne éponyme, celui d’une femme qui ne parvient pas à mettre sa vie en accord avec ses aspirations.

Hedda, la fille du feu général Gabler, rentre d’un ennuyeux voyage de noces en compagnie de son époux, Jørgen Tesman, un petit professeur d’université. Cet homme sans envergure est incapable de lui offrir la vie qu’elle convoite obscurément. Par défi, elle tente de reconquérir un ancien amant, rival littéraire de son mari. Puis, elle le pousse au suicide en détruisant son manuscrit. Au quatrième acte, Hedda échappe à sa vie pleine de déceptions. Elle met fin à ses jours en se tirant une balle dans la tempe.

Aurore Fattier choisit de mettre le personnage d’Ibsen à distance. Le texte de Sébastien Monfè et Mira Goldwicht centre l’intrigue autour d’une metteuse en scène fictive, Laure Stinj (Maud Wyler, très juste), en pleine répétition d’Hedda Gabler.  En proie à des blessures intimes, notamment face à son père ( Carlo Brandt, extraordinaire), la créatrice cherche des réponses en dirigeant les comédiens. L’actrice qu’elle a choisi pour interpréter le personnage principal, ressemble à sa soeur, Esther, disparue. Monter la pièce semble une quête pour rejoindre et ressusciter un fantôme. Laure Stinj ne cesse de vouloir comprendre le geste ultime d’Hedda afin de le représenter sur scène. Comme si l’acte créateur avait le pouvoir de résoudre l’énigme de la disparition de sa soeur et celui d’affronter en action ses démons intérieurs et les abîmes de l’âme humaine.

Les mises en abyme

Hedda est donc une réécriture de la pièce d’Ibsen. Une « variation contemporaine »  ainsi que le définissent les auteurs. Le dispositif scénique concrétise ce va et vient entre le texte original et celui du spectacle. Dès la première image les époques et réalités se télescopent. Deux femmes, en costume fin XIXe, traversent le plateau, suivies d’une autre, en pantalon, qui téléphone le portable à l’oreille. C’est la metteuse en scène qui semble parler à sa fille : « Allo, ma chérie. Ça va. Où on est ? Au théâtre.  »

La mise en abyme initiale est programmatique. Le décor du fond de scène s’avance. Il représente les loges du théâtre : une petite cuisine, une salle à manger et un espace séparé pour le maquillage. On devine un couloir. Un petit écran situé sur l’un des murs fait exister l’espace du plateau, situé hors du regard, au lointain. Un écran plus large, placé au-dessus des loges, donne bientôt à voir le lieu où se déroulent les répétitions. Les différents espaces coexistent et multiplient par leurs formes rectangulaires l’idée d’une boîte dans une boîte et que tout est lié, les destins fictifs et « réels » , ceux de l’héroïne d’Ibsen et ceux des personnages d’Hedda.

Au théâtre, on monte une pièce de théâtre. Par la force des choses, les comédiens en répétition, comme la metteuse en scène, ne cessent de parler de théâtre et d’interprétation. L’histoire personnelle des protagonistes influe sur le jeu, les déplacements, au fur et à mesure de l’avancée du travail de mise en scène. La caméra qui projette les images du plateau témoigne du dérèglement qui se produit sur scène. Fixe au début, elle « dévisse » . Elle devient mouvante, oblique le cadre, traque les visages, les excès, comme si elle cherchait à en restituer le désordre intérieur. Le dispositif imaginé par Aurore Fattier et le travail sur l’image (Vincent Pinckaers) est particulièrement intéressant et réussi. Il est dommage que parfois l’ensemble manque de rythme, notamment dans la reprise de certaines scènes jouées d’Hedda Gabler.


Hedda mise en scène par Aurore Fattier s’appuie sur un dispositif scénique intéressant pour mettre en écho le destin de deux femmes, séparées par le temps, mais, intimement liées par le théâtre.

Les LM de M La Scène : LMMMMM


Après le spectacle, les interviews de M La Scène : Aurore Fattier, metteure en scène


HEDDA

Berthier 17e  12 mai – 9 juin

variation contemporaine d’après Hedda Gabler d’Henrik Ibsen
texte de Sébastien Monfè, Mira Goldwicht
mise en scène Aurore Fattier

avec Fabrice Adde, Delphine Bibet, Yoann Blanc, Carlo Brandt, Lara Ceulemans, Valentine Gérard, Fabien Magry, Deborah Marchal, Annah Schaeffer, Alexandre Trocki, Maud Wyler

vidéo / cinématographie Vincent Pinckaers

cadreur Gwen Laroche (en alternance avec) Vincent Pinckaers

costumes Prunelle Rulens en collaboration avec Odile Dubucq

coiffure Isabel Garcia Moya

lumière Enrico Bagnoli

composition musicale Maxence Vandevelde


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