Critique La Couleur de souvenirs

Mise en scène Fabio Marra

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La couleur des souvenirs
© Fabio Marra

Reprise au Théâtre du Balcon, La Couleur des souvenirs de Fabio Marra explore avec une rare délicatesse les vertiges de la mémoire et les blessures du lien familial. Sa mise en scène épurée donne chair à la solitude d’un peintre vieillissant, rattrapé par la cécité et les fantômes du passé. Dominique Pinon et Catherine Arditi livrent une partition intense et touchante.

La couleur des souvenirs : la peinture comme miroir du cœur

La Couleur des souvenirs de Fabio Marra est une œuvre d’une délicatesse rare. La pièce emprunte au cinéma sa grammaire visuelle pour donner corps à la mémoire vacillante d’un homme au crépuscule de sa vie. Vittorio est un artiste peintre sans notoriété, bourru, qui se complaît dans la solitude. Atteint de DMLA, il apprend qu’il va perdre progressivement la vue.

Dès le générique d’ouverture, le spectateur est convié à un voyage introspectif. Les frontières entre réel et imaginaire se brouillent dans une scénographie ingénieuse, conçue par Audrey Vuong. Projections, jeux de lumière, matières : tout concourt à rendre perceptible la perte de repères d’un peintre dont la vue décline. Le décor, saturé de toiles fantômes et d’objets obsolètes, semble figé dans une poussière de souvenirs. La mise en scène de Fabio Marra, fluide sans jamais être démonstrative, privilégie l’évocation au spectaculaire, et accompagne avec une grande pudeur l’éveil progressif d’un homme à son passé.

La justesse de la distribution

Portée par une distribution d’une remarquable homogénéité, la pièce trouve en Dominique Pinon un Vittorio tout en nuances. L’homme est acariâtre, provocant, mais profondément blessé. Le comédien campe un peintre replié sur lui-même, incapable d’aimer autrement que par la peinture. Malgré lui, la maladie le contraint à rouvrir les portes closes du lien familial et celle d’une culpabilité enfouie. Catherine Arditi incarne Clara, sa sœur avocate volubile, entre fermeté et fragilité. Leur duo, tendu par des décennies de non-dits, évite les éclats trop faciles pour privilégier le heurt feutré des blessures anciennes. Autour d’eux, les rôles secondaires trouvent leur juste place, notamment Fabio Marra lui-même. Solaire et discret, il incarne le fils écarté, témoin silencieux d’un drame qui ne l’a jamais complètement exclu. La construction narrative alterne présent et réminiscences. Elle s’appuie sur un rythme maîtrisé, où les scènes semblent surgir d’un repli du cœur.

Mais c’est surtout dans ce qu’elle ne dit pas que la pièce touche le plus justement. Les silences, les regards, les hésitations, disent ce qui ne peut être formulé. La Couleur des souvenirs est une tentative de réconciliation avec soi-même, une méditation sensible sur les traces que laissent les héritages affectifs. Fabio Marra ne cherche ni à accuser ni à absoudre, mais à interroger ce qui reste, quand les rancunes s’effacent et que l’art devient le dernier refuge d’une tendresse trop longtemps tue. Une œuvre certes classique, mais profondément habitée, où l’intime se fond dans l’universel avec une rare élégance.

Dans La Couleur des souvenirs de Fabio Marra l’émotion affleure sans jamais s’imposer. Un théâtre de l’intime, porté par une distribution juste et inspirée, qui éclaire avec délicatesse les zones d’ombre de la mémoire et du pardon.

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Applaudissements après la représentation au théâtre du Balcon le 9 juillet 2025 lors du Festival Off d'Avignon

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La Couleur des souvenirs

Théâtre du Balcondu

5 au 26 juillet à 11h30

 Texte et mise en scène Fabio Marra

avec Dominique Pinon, Catherine Arditi, Sonia Palau, Fabio Marra, Floriane Vincent, Aurélien Chaussade

Conception scénographie : Audrey Vuong
Construction scénographie : Ateliers Décors Claude Pierson
Création costumes : Alice Touvet
Création Lumières : Kelig Le Bars
Musiques : Claudio Del Vecchio – Accessoires : Dimitri Lenin
Création Vidéo : Antonio Carola, Denis Parrot,
Italo Scialdone, Jean Ledieu
Création sonore : François Galarneau
Tableaux : Pasquale Mascoli et Alexander Fadeev
Coiffures : Caroline Bitu
Photos Hélène Bozzi et Didier Philispart

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