Critique Fêu

Fêu, la chorégraphie de Fouad Boussouf est portée par l’énergie puissante des dix danseuses qui incendient le plateau.

Incendier le plateau

Näss (Les Gens) créé en 2018, mené par sept interprètes masculins, instaurait un dialogue fructueux entre le Hip-hop, l’univers circassien et les danses traditionnelles d’Afrique du Nord. Fêu, la nouvelle création, de Fouad Boussouf, le directeur du Phare, le CCN du Havre-Normandie, poursuit le travail autour de la force du collectif. Un groupe de dix danseuses déploie son énergie dans une structure volontairement circulaire. Le fêu en est le centre.

Dans le noir, une timide lueur orange prend forme. Des silhouettes indistinctes se devinent lorsqu’elles passent devant. Puis, l’intensité lumineuse s’accroît et révèle au centre du plateau une clarté chaude posée sur un socle. Autour de ce foyer, des femmes, en cercle, arpentent la scène. Leurs marches, leurs courses, le martèlement de leurs pieds vont désormais s’imposer et devenir le crépitement visuel et sonore du Fêu premier. Quand le source lumineuse disparaît, ensemble, ces femmes par leur corps en mouvement, réaniment la flamme absente.

Portées par la pulsation vigoureuse de la composition musicale de François Caffenne, les dix danseuses (Serena Bottet, Filipa Correia Lescuyer, Léa Deschaintres, Rose Edjaga, Lola Lefèvre, Fiona Pitz, Charlène Pons, Manon Prapotnich, Valentina Rigo, Justine Tourillon), toutes formidables, déploient une énergie incandescente. Il s’agit de recréer par la dynamique de mouvements concentriques et répétitifs un foyer ancestral, un noeud de vie.

Le cercle de cendres

Un léger voile en tulle entoure l’espace de danse. La scénographie imaginée par Aurélie Thomas, en accord avec les  lumières chaudes et mouvantes de Lucas Baccini, dresse les contours d’un lieu hors du monde. Un endroit protégé et intime où la danse peut exister avec force et excès. Les corps se balancent d’avant en arrière, courent, se jettent, aspirés d’un cercle à l’autre. Les têtes vrillent sur elles-mêmes, entraînant le buste ou les bras. Les cheveux, projetés dans l’air, amplifient l’appel d’air. Comme en transe, les danseuses construisent l’idée d’un rite féminin puissant et ancien.

Quand le voile gris qui les enserrait tombe brutalement, les interprètes poursuivent leurs mouvements. Elles dansent alors sur un cercle de cendres et font entendre leurs voix. Le son accompagne les accents et à-coups des corps.

C’est maintenant au présent, que le rite a lieu. Le cycle se perpétue mais chacune des participantes, par un solo, par un geste personnel au sein du collectif, devient une force à elle seule. Les danseuses marchent, regardent en passant le public, puis, en ligne ou en cercle, se jettent à corps perdus dans le mouvement. L’individualité de chacune existe, bien que le groupe poursuive son engagement total dans le collectif en action. Quand la lumière baisse pour n’être plus à nouveau qu’une aura diffuse orangée, qu’un mince flamboiement, c’est la respiration de ces femmes puissantes qui reste et nous parvient dans le noir.

Fêu, la nouvelle création de Fouad Boussouf a la force d’un rituel. Les dix danseuses, à l’énergie flamboyante, nous embarque sans retenue dans leur cercle fiévreux.

LMMMMM

Fêu

Spectacle vu au Théâtre du Rond-Point 

Direction artistique et chorégraphie Fouad Boussouf
Interprètes : Serena Bottet, Filipa Correia Lescuyer, Léa Deschaintres, Rose Edjaga, Lola Lefèvre, Fiona Pitz, Charlène Pons, Manon Prapotnich, Valentina Rigo, Justine Tourillon
Musique : François Caffenne
Costumes :  Gwladys Duthil
Scénographie : Aurélie Thomas
Création Lumière : Lucas Baccini
Avec le regard complice d’Anne-Laure Liégeois

Prochaines dates 10.11 Le Figuier Blanc – Argenteuil
21.11 + Mercredi 22.11 Le Volcan – scène nationale du Havre

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