Critique The Last of the Soviets

Mise en scène Petr Bohac

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The last of the soviets

A la Manufacture ( hors les murs), la Spitfire Company, composée d’artistes russes vivant depuis plusieurs années à Prague, propose The Last of The Soviets, un spectacle au vitriol où l’humour fait office de bouclier.

The Last of the Soviets : Rire pour ne pas hurler

The Last of the Soviets ne fait pas dans la dentelle. Sur fond de décor de JT aussi froid qu’un hiver à Vladivostok, deux présentateurs au flegme radioactif (Inga Zotová-Mikshina et Roman Zotov-Mikshin) jouent avec la mémoire collective comme avec un bocal de cornichons périmés. Tout y passe, les blagues sur Tchernobyl comme les récits terribles sur les horreurs des conflits qui ont jalonné l’histoire de l’URSS, ( hormis celui avec l’Ukraine). Des explosions de violence inattendues surgissent, notamment envers la présentatrice. Autant dire que le menu est chargé et la digestion difficile. Mais l’humour noir, lui, est à point.

La mise en scène signée Petr Boháč  prend la forme d’un théâtre de guerre miniaturisé. Une fine caméra de plateau, dirigée vers la table et quelques assiettes en papier, devient un microscope braqué sur l’absurde. Entre bouts de poulet, gelée douteuse et caviar saignant, les objets du quotidien prennent des allures d’armes de narration massive.

Une vérité servie crue

La réalité de la guerre est servie crue. En opposition avec les discours de propagande qui polluent le journal télévisé au commencement du spectacle. Ainsi, de petits soldats de plomb, des tanks en plastique, des jouets d’enfants, subissent les pires outrages. Éclaboussés, écrasés, de terre, de matière gluante, ils disparaissent sous un fatras de substances dégoûtantes. Les mythes nationaux fondent au contact de la réalité vécue en direct sur le plateau et projetée sur écran. Les deux présentateurs (Inga Zotová-Mikshina et Roman Zotov-Mikshin, parfaits), victimes collatérales de l’effondrement de la légende officielle, endurent également les dommages du choc avec la réalité. La façade léchée du début cède très vite au désordre cruel et à la noirceur caustique. On sent alors que le rire, fût-il au vitriol, est un réflexe de survie.

Derrière le journal télévisé grotesque, les artistes rendent un hommage vibrant et glaçant à ceux dont la voix a été ou est bâillonnée. La pièce est notamment dédiée à Palina Sharenda Panasyuk, opposante biélorusse emprisonnée pour ses dénonciations du régime totalitaire de Loukachenko. Dans The Last of The Soviets, le silence et les images du chaos créées sur le plateau pèsent souvent plus lourd que les mots. A la fin de la représentation, le petit verre de vodka proposé se déguste comme un vrai remontant.

Sous ses airs de performance bricolée, The Last of the Soviets , mis en scène par Petr Bohac, est une mécanique redoutable déguisée en sketch télévisé. L’humour laisse une brûlure avec quelques éclats de vérité bien plantés dans la peau.

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Applaudissements du spectacle The last of the soviets, Festival Off d'Avignon, le 8 juillet 2025

The Last of the Soviets

La Manufacture,

16, 18, 20, 22 juillet à 13h55

texte de Svetlana Alexievitch

Petr Bohac – Mise en scène
Roman Zotov-Mikshin – Performance
Inga Zotova-Mikshina – Performance
Filip Horn – Régie générale
Martin Hula – Régie générale
Nikola Krizkova – Diffusion
Barbora Repicka – Production
Mikulas Zelinsky – Production

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