Critique Soie
Mise en scène William Mesguish

Sous la caresse d’une voix, le roman d’Alessandro Baricco devient matière vive. Soie, porté à la scène par Sylvie Dorliat et William Mesguich, s’impose comme un voyage sensoriel d’une rare intensité.
Quand le désir s’écrit en « Soie »
Il est des spectacles rares où le temps se suspend, où le silence devient un écrin pour les mots, et où chaque inflexion de voix caresse l’âme. Soie, l’adaptation du roman culte d’Alessandro Baricco, en fait indéniablement partie. Seule en scène, Sylvie Dorliat déploie sur le plateau une grâce délicate et une intensité bouleversante.
Le destin d’Hervé Joncour est au coeur du récit. Négociant pour des sériciculteurs, arraché par nécessité à la quiétude de l’Ardèche, il rejoint les confins mystérieux du Japon. Les quatre voyages commerciaux qu’il effectue à partir de 1860 bouleversent sa vie. Le pays s’ouvre difficilement aux étrangers. Le chef d’un village, Hara Kei, devient son ami et accepte de lui vendre des œufs de vers à soie sains. Fasciné autant par l’étrangeté envoûtante du Japon que par la présence troublante de la jeune maîtresse d’Hara Kei, Hervé Joncour découvre un monde à la fois codifié et sensuel, où chaque geste devient rituel.
Un voyage sensoriel
Sylvie Dorliat fait siens les mots de Barrico. Sa voix, subtilement modulée, réinvente l’art de conter. Elle fait surgir devant nous les steppes de Russie, les vapeurs d’un port lointain, l’éclat d’un regard interdit. Tout ici est retenue, frémissement, poésie. La scénographie épurée, signée William Mesguich, enveloppe cette parole vibrante dans un clair-obscur délicat, où les ombres prolongent le vertige de l’histoire.
Ce voyage sensoriel, nourri par la création sonore de David Van Tongerloo et la partition visuelle de Karine Zibaut, plonge le spectateur dans une expérience presque hypnotique. Loin du simple récit d’un amour impossible, Soie devient une méditation sensuelle sur l’absence, le désir et la mémoire. Sylvie Dorliat incarne tour à tour les figures féminines comme masculines du roman avec une pudeur émouvante. Se dessine en creux un homme déchiré entre la fidélité discrète de sa femme et le feu silencieux d’une passion inavouée. Le spectacle réussit le pari de condenser l’essence du roman sans rien perdre de sa musicalité ni de sa profondeur. En filigrane, c’est toute une époque qui affleure, avec sa lenteur, ses silences, ses rites, ses bouleversements intimes. Jusqu’à la révélation finale, d’une grande beauté.
Un moment de théâtre suspendu et précieux.
Les M de M La Scène : MMMMM
Les entretiens de M La Scène : Sylvie Dorliat
Soie
d’après le roman d’Alessandro Baricco
Jusqu’au 26 juillet à 10h