Critique Magec / the Desert
Chorégraphie Radouan Mriziga

Dans Magec / the Desert, deuxième volet de sa trilogie inspirée des paysages amazighs, Radouan Mriziga propose une traversée sensorielle du désert, loin des clichés d’aridité et de vide. Sur la scène du cloître des Célestins, le Sahara devient un espace vivant, sculpté par la lumière, habité par les mythes et animé par une mémoire en mouvement.
Magec/the desert : un territoire vibrant
Magec / the Desert constitue le deuxième volet de la trilogie de Radouan Mriziga. Précédemment, le solo Atlas / The mountain, était déjà inspiré de la culture Amazigh. Ces Berbères, qui dans leur langue, le tamazigh, se nomment « hommes libres ». Magec / the Desert n’est pas un simple hommage au Sahara. C’est une immersion sensorielle dans une pensée du monde sculptée par le vent, la lumière et les légendes.
Dans le silence du magnifique cloître des Célestins, un corps surgit tenant une bougie, frêle flamme dans l’obscurité. Il ouvre un voyage hors du temps. Sur scène, des êtres mi-humains, mi-bêtes, investissent les lieux. Les danseurs, dotés de masques ou le visage dissimulé par des tissus, tracent des lignes. Ils avancent lentement, à pas feutrés, comme si chaque mouvement devait négocier avec la poussière du passé. La procession de ces esprits nomades se fait d’abord sans musique. Puis, sortant des instruments de leurs costumes, les interprètes font résonner petits tambours et qraqeb, tandis qu’un astre solaire diffuse sa lumière.
Comme un guide, il semble rappeler que dans cet espace de mémoire, le temps n’est pas linéaire, mais circulaire, cyclique, ancestral. Bientôt, portés par les percussions telluriques de Deena Abdelwahed, les danseurs avec une énergie folle prennent possession de tout l’espace du cloître. Arcades, murs de pierres, platanes centenaires, deviennent partie prenante de la chorégraphie. Duos, trios, solos, ensembles, se succèdent et s’accordent dans la même pulsation de vie.
Une oeuvre captivante
En opposition à la vision occidentale d’un désert stérile, Radouan Mriziga convoque les savoirs enfouis, les résistances silencieuses et les mémoires incarnées. Sa chorégraphie s’inspire des gestes du quotidien, ceux des artisans, des marcheurs, des musiciens. Elle s’élève parfois jusqu’à la transe. Le spectacle, nourri de textes en plusieurs langues, de projections, de chants, déploie une polyphonie envoûtante.
Si l’on peut regretter l’absence d’un vrai crescendo dramaturgique, Magec / the Desert n’en reste pas moins une œuvre captivante, où la danse devient outil de transmission et d’altérité. En détournant l’œil du pittoresque, Radouan Mriziga replace le désert au cœur d’un imaginaire commun, ni figé, ni folklorique. En perpétuelle mutation, son désert est vivant, habité, et empreint de richesses.
En défendant la richesse culturelle d’un lieu trop souvent réduit à son apparente stérilité, Magec / the Desert de Radouan Mriziga offre une lecture inédite d’un territoire ample et vibrant, invitant chacun à renouer avec l’essence même de la nature.
Les LM de M La Scène : LMMMMM
Magec / the Desert
Concept, chorégraphie et scénographie Radouan Mriziga
Avec Robin Haghi, Bilal El Had, Hichem Chebli, Feteh Khiari, Sofiane El Boukhari, Nathan Félix
Musique Deena Abdelwahed
Vidéo Senda Jebali
Costume Salah Barka
Assistannat costume Rim Abbes
Recherche Maïa Tellit Hawad
Texte Mahmoudan Hawad
Direction technique Zouheir Atbane
Technique Dries Van de Velde
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