Critique L’illusion comique
mise en scène Frédéric Cherboeuf

L’Illusion comique, mis en scène par Frédéric Cherbœuf et le Collectif L’Émeute offrent une relecture inventive et virevoltante du chef-d’œuvre de Corneille. Entre hommage au théâtre classique et plongée virtuose dans l’univers du cinéma, cette mise en scène est aussi audacieuse que réjouissante.
L’Illusion comique : On tourne. Action !
A La Factory, Théâtre de l’Oulle, Frédéric Cherbœuf et le Collectif L’Émeute offrent une relecture lumineuse et inventive de L’Illusion comique de Corneille. Fidèle à l’esprit du texte tout en s’autorisant des libertés visuelles réjouissantes, le metteur en scène déploie un dispositif scénique audacieux. Ainsi la grotte du mage Alcandre devient-elle un café-cinéma, un studio de tournage et une salle obscure.
La surprise est totale. Dès l’entrée des spectateurs, le titre du film, « L’illusion comique » , s’affiche en lettres jaunes sur l’écran. Dans la salle, des comédiens-ouvreurs, panier en osier attachés au cou, cafetière à la main, offrent café et petites viennoiseries. Il est 10h du matin. Le collectif cultive avec humour la nostalgie. Quand le noir arrive, la séance débute. Cinéma, tournage et plateau se mélangent habilement. Le théâtre se fait image, illusion et mouvement. Corneille, visionnaire, y est célébré comme un ancêtre inattendu du septième art, tandis que Pridamant, spectateur médusé, devient l’emblème de notre propre fascination. Le parti-pris, porté par une mise en scène de Frédéric Cherboeuf, virevoltante et résolument contemporaine, fonctionne parfaitement.
Loin de trahir le texte classique, cette adaptation honore la langue de Corneille. Les alexandrins y sont dits avec une précision remarquable, portés par des comédiens en pleine maîtrise, aussi à l’aise dans la diction que dans le jeu physique. Les effets visuels, les transitions cinématographiques et la bande sonore, tantôt chantée en direct, tantôt en off, instaurent un rythme soutenu qui ne faiblit jamais.
Le cinéma dans le théâtre
Si la scénographie se fait un brin plus sobre que dans leur précédent Jeu de l’amour et du hasard, elle n’en reste pas moins spectaculaire. Travellings, trompe-l’œil, et plans-séquences donnent à la pièce un souffle quasi cinématographique, sans jamais occulter l’intensité dramatique du propos. Le spectacle s’ouvre et se clôt sur un générique qui défile. Les acteurs, à vue, restent en attente de jouer, assis sur des fauteuils de réalisateurs. Un perchman tient souvent un micro au-dessus des comédiens en action. Le théâtre dans le théâtre devient cinéma dans le théâtre, dans un jeu de miroirs maîtrisé et jubilatoire.
La troupe, composée d’artistes du Collectif L’Émeute (Adib Cheikhi, Justine Teulié, Lucile Jehel, Matthieu Gambier, Jérémie Guilain) est accompagnée par deux comédiens chevronnés. Marc Schapira incarne un bouleversant Pridamant, et Alain Rimoux, un hilarant Matamore. Tous insufflent une énergie contagieuse à cette tragi-comédie aussi folle que savamment construite. L’hommage à Méliès, Demy, Cronenberg ou Spielberg traverse la mise en scène comme une évidence, sans jamais peser. Le résultat est un spectacle éclatant, drôle, accessible. La richesse du texte se mêle à l’inventivité du plateau.
L’Illusion comique de Corneille, mis en scène par Frédéric Cherboeuf, porté avec enthousiasme par le Collectif l’Emeute, est un moment de pur plaisir théâtral.
Les M de M La Scène : MMMMM
Applaudissements après la représentation du 10 juillet au théâtre de la Factory L'Oulle
Jusqu’au 26 juillet 10h
Avec : Adib Cheikhi, Matthieu Gambier, Jérémie Guilain, Lucile Jehel, Alain Rimoux, Marc Schapira, Justine Teulié en alternance avec Julie Cecchini
Mise en scène : Frédéric Cherboeuf
Assistant à la mise en scène Florence BANKS
Création lumière Oriane TRABLY
Création sonore Camille RIEY
Costumes Lucile JEHEL
Scénographie Frédéric CHERBOEUF
Construction décors Matthieu Gambier