Critique La Ligne solaire

Mise en scène Clément Poirée

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la ligne solaire
© Fanchon Bilbille

Au 11 Avignon, Clément Poirée, le directeur du Théâtre de la Tempête, met en scène La Ligne solaire, une pièce de Ivan Viripaev. Au petit matin, un couple marié n’en finit plus de se déchirer. Leur cuisine devient un ring où les deux combattants s’affrontent jusqu’à l’épuisement, pour essayer d’atteindre l’autre, réellement, enfin. 

Découvrir l’interview exclusive de Clément Poirée accordée à M La Scène sur notre chaîne YouTube.

L’amour de haute lutte

Depuis sept ans, Werner et Barbara, mariés, vivent ensemble. L’un parle de crédit soldé et d’une possibilité d’enfant. L’autre, de douleur. A cinq heures du matin, les voici dans leur cuisine. L’un face à l’autre, coincés dans un moment qu’ils pressentent essentiel. In media res, le combat a déjà commencé. Désormais, aucun des adversaires ne peut quitter le ring. Il s’agit de crever l’abcès, d’aller jusqu’au bout de la violence, de l’épuisement, pour essayer de franchir cette ligne que Barbara nomme « la ligne solaire » . Celle qui, un jour, alors que le soleil se levait, a divisé le corps de Werner en deux parties. Celle qui lui a révélé qu’elle pouvait fusionner avec l’une, mais jamais avec l’autre.

Cette frontière qui sépare les êtres, Barbara et Werner vont tenter de la franchir en choisissant la voie radicale de la destruction. Ivan Viripaev, non sans humour, indique, dans le sous-titre donné à sa pièce, qu’il existe bien un moyen : Comédie (où il est montré comment il est possible d’aboutir à un résultat positif) . Mais, celui-ci passe par l’excès, la violence verbale et physique. Une fois, les corps rompus, brisés, éreintés, l’esprit saura trouver, par le théâtre, le chemin qui permet d’atteindre l’autre et de vivifier l’amour.  

La force de l’interprétation 

Pour incarner ce couple rongé par le désespoir mais galvanisé par la surenchère d’émotions, Clément Poirée a choisi Aurélia Arto et Bruno Blairet, déjà présents dans Les Enivrés, la précédente pièce du dramaturge polonais, montée par le metteur en scène au Théâtre de La Tempête. Les comédiens portent la pièce avec une énergie impressionnante. La profondeur de leur jeu, nourri d’ambiguïté et d’ironie, fait émerger toute la complexité des sentiments qui traversent les personnages. L’engagement des corps est total. Les mots, lancés comme des couteaux, aiguisés au plus juste, saisissent. Par la force de leur sarcasme, comme par leur puissance comique ou tragique.

A l’instar des âmes écorchées et des corps brutalisés des combattants, le décor subit, lui aussi, les contrecoups des accès de violence. La cuisine, matérialisée par un cercle de carreaux gris et blanc coupé en son milieu par un fin plan de travail, se désagrège. Au terme de cette lutte « qui a rincé le corps et l’esprit »  ainsi que le décrit Clément Poirée, où les mots parviennent « sans filtre » , le lieu n’est plus qu’un espace dévasté. Mais, c’est sur ce champ de ruines, traversé désormais par un ruban lumineux blanc, une ligne de néons, que le couple va parvenir à entrer enfin en contact. Dans un présent partagé au sein du théâtre.

La Ligne solaire, d’Ivan Viripaev, brille par la mise en scène ciselée de Clément Poirée et par l’interprétation percutante des deux comédiens, Aurélia Arto et Bruno Blairet. A voir au 11 Avignon.

Les LM de M La Scène : LMMMMM

Après le spectacle, les entretiens de M La Scène : Clément Poirée.

Clément Poirée, metteur en scène : Révélations sur La ligne solaire - #OFF24  Itw Exclusive Mlascene

La Ligne solaire-

Comédie (où il est montré comment il est possible d’aboutir à un résultat positif)

De Ivan Viripaev

11 Avignon

Jusqu’au 21 juillet  à 11h40

Metteur en scène Clément Poirée

Traduction Tania Moguilevskaia et Gilles Morel (Les Solitaires Intempestifs)

Comédien·ne : Aurélia Arto , Bruno Blairet
Régie générale : Clément Chebli
Scénographe : Erwan Creff
Créateur·rice son : Stéphanie Gibert
Créateur·rice lumière : Léa Maris
Costumier·ière : Hanna Sjödin

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