Critique La Folle journée ou Le Mariage de Figaro

Mise en scène Léna Bréban

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La Folle journée ou le mariage de Figaro
© Ambre Reynaud

À la Scala Provence, par sa  mise en scène foisonnante d’énergie et de vitalité, Léna Bréban embrase La Folle Journée ou Le Mariage de Figaro avec une audace vivifiante. Fidèle au texte de Beaumarchais tout en en révélant la portée politique et féministe, elle offre une lecture incisive, d’une brûlante actualité, portée par une troupe d’exception et un Philippe Torreton habité. Voir l’interview exclusive de Léa Bréban et de Philippe Torreton par M La Scène

« Une Folle Journée qui résonne follement aujourd’hui »

C’est un véritable feu d’artifice scénique que propose Léna Bréban avec La Folle journée ou Le Mariage de Figaro. Portée par une troupe d’exception, cette mise en scène éblouissante redonne à l’œuvre de Beaumarchais toute sa verve subversive, sa modernité saisissante et son génie comique. Dans un décor volontairement instable, manié à vue, fait de toiles de Jouy flottantes, d’échafaudages, d’éléments en perpétuelle transformation, Léna Bréban fait souffler un vent de folie aussi salutaire que maîtrisé, sur le plateau. Tout déborde d’énergie et de vitalité.

Sa lecture, audacieusement contemporaine, respecte le texte original. Elle en révèle la violence avec une acuité étonnante. La brutalité des rapports de classe et de genre prend une résonance glaçante dans une ère post-MeToo. Ainsi, la contrainte psychique et physique que ne cesse d’exercer le comte Almaviva sur Suzanne, camériste de la comtesse et fiancée de Figaro, éclaire la persistance des rapports de domination de certains hommes sur les femmes. En restituant notamment le monologue féministe de Marceline ( formidable Annie Mercier), autrefois censuré à la Comédie-Française, Léna Bréban redonne toute sa puissance politique à cette parole de femme, longtemps réduite au silence. Elle en fait un écho saisissant aux combats d’aujourd’hui pour l’égalité et le respect du consentement. Comme l’indique la metteuse en scène : « Aujourd’hui les hommes qui veulent coincer les femmes dans les couloirs doivent sortir de la fête. »

Une folle distribution  

Mais cette réussite tient aussi à un Figaro magistral. A la rencontre évidente entre un rôle et un acteur. Philippe Torreton, tout en gouaille et en finesse, incarne à la perfection ce personnage phare, pré révolutionnaire. Sa diction, sa présence, son intensité, électrisent le plateau. Le célèbre monologue, charge explosive contre les privilèges de la naissance, devient entre ses mains une véritable diatribe moderne, jetée à la face du monde avec une urgence bouleversante.

Autour de lui, la distribution rayonne. Marie Vialle, fougueuse Suzanne, et Grétel Delattre, comtesse d’une mélancolie ciselée, forment un duo féminin d’une admirable précision. Grégoire Œstermann incarne un comte fourbe, ridicule mais inquiétant à souhait. Tous les seconds rôles sont incarnés avec une gourmandise contagieuse, conférant à cette comédie une dynamique de troupe rare.

Dans cette « folle journée », rien n’est laissé au hasard. Les costumes (Alice Touvet) particulièrement soignés, tissent des liens délicats entre les personnages. La musique s’ancre parfois dans un répertoire contemporain. Chérubin  (virevoltant Antoine Prud’homme de la Boussinière) fredonne ainsi sa romance en  reprenant « Je l’ai puisé à l’encre de tes yeux » de Francis Cabrel. Les ruptures de ton, les adresses au public, les jeux de scène virtuoses brouillent les repères entre hier et aujourd’hui. Léna Bréban déconstruit le carcan de la pièce d’époque pour en faire surgir une charge puissante, drôle et moderne.

Avec La Folle journée ou Le Mariage de Figaro, Léna Bréban redonne à Beaumarchais toute sa charge subversive. Sa mise en scène vive, malicieuse, et engagée est une pure réussite.

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Les entretiens de M La Scène : Léna Bréban et Philippe Torreton

La Folle journée ou Le Mariage de Figaro

La Scala Provence

Jusqu’au 26 juillet à 18h30

Texte Beaumarchais
Adaptation Léna Bréban.
Mise en scène Léna Bréban.
Avec Philippe Torreton, Marie Vialle, Éric Bougnon, Gretel Delattre, Salomé Dienis Meulien, Annie Mercier, Jean-Jacques Moreau, Grégoire Œstermann, Antoine Prud’homme de la Boussinière, Jean-Yves Roan.
Assistante mise en scène Ambre Reynaud.
Scénographie Emmanuelle Roy.
Costumes Alice Touvet.
Perruques Julie Poulain.
Lumières Denis Koransky.
Compositeurs Victor Belin et Raphaël Auclerc.

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