Critique La Colère

mise en scène Laurent Vacher

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La colère

Présence Pasteur, La Colère s’affiche. Laurent Vacher propose un spectacle musical et documentaire qui donne voix aux révoltes féminines d’aujourd’hui. Inspiré par la figure de Louise Michel, il tisse un chœur pluriel et incandescent où la parole des femme devient matière vivante. Voir l’interview de Laurent Vacher par M La Scène.

La Colère : À voix nue et chœur brûlant

Sur une scène dépouillée, trois interprètes, deux comédiennes et un musicien, convoquent l’ardente mémoire de Louise Michel pour faire résonner les voix féminines d’aujourd’hui. Laurent Vacher, en artisan engagé, ne cherche pas à lisser, ni à interpréter. Il livre la parole brute de femmes rencontrées aux quatre coins du territoire, des faubourgs populaires aux villages reculés. De la banlieue en lutte aux marges sociales oubliées. Ce sont des fragments d’existence, des éclats de révolte, qui se succèdent dans un flot sans filtre.

Ce théâtre documentaire et musical revendique une esthétique punk et un dispositif scénique minimaliste. Il s’agit de mettre à nu la tension entre l’intime et le politique. Trois micros face public, une guitare, un synthétiseur, suffisent à soutenir une parole volontairement adressée. À travers chansons, cris, silences, confidences, La Colère explore ce qui déborde, des mots  trop longtemps muselés, une injustice jamais digérée, une humiliation quotidienne. Si ces colères sont diverses, elles se rejoignent dans une même clameur.

L’écho des colères tues

Il ne s’agit pas ici de mise en accusation didactique, mais d’un appel vibrant à reconnaître la légitimité de cette émotion féminine  jugée de tout temps inconvenante. Derrière chaque colère rentrée, chaque larme ravalée, il y a un système qui n’offre pas d’espace pour écouter. Loin du cliché de l’hystérie, le spectacle révèle la colère comme un ferment de lucidité, de survie, parfois même de joie. Les interprètes (Odja Llorca, Marie-Aude Weiss et Philippe Thibault), habités par cette énergie brûlante, tissent un lien puissant avec le public. Leurs voix, tour à tour tremblantes et rageuses, révèlent un chœur social qui claque comme un poing sur la table.

Mais dans ce tourbillon de paroles, si riche soit-il, le fil dramatique parfois s’étiole. On aurait souhaité plus d’ancrage poétique pour faire dialoguer les récits avec une pensée structurante. L’ombre tutélaire de Louise Michel plane, mais reste en retrait, comme un écho lointain qu’on aurait aimé entendre résonner plus frontalement. Malgré cela, La Colère affirme une nécessité vitale, celle de rendre visibles les colères tues, de transmettre leur force subversive, leur potentiel politique. Dans ce geste collectif et profondément humain, Laurent Vacher pose un acte théâtral qui n’est pas seulement artistique mais aussi existentiel : celui d’écouter.

La Colère s’impose comme un théâtre de l’urgence, où chaque voix devient acte de résistance face au silence imposé. Avec une radicalité sobre mais puissante, Laurent Vacher signe une mise en scène qui donne toute sa place à l’écoute, et à la force politique de l’émotion.

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La Colère

Présence Pasteur

du 5 au 26 juillet à 13 h

Adaptation texte et mise en scène Laurent Vacher

Avec Odja Llorca, Marie-Aude Weiss et Philippe Thibault

Composition musicale : Philippe Thibault

Dramaturgie : Pauline Thimonnier

Costume : Virginie Albla

Aide à la transcription : Zoé Laulanie

Lumière : Victor Egéa


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