Les 7 raisons d’aller voir
« La 7e fonction du langage »
1/ Le spectacle est jubilatoire, enlevé, malicieux.
2/ L’adaptation de Sylvain Maurice concentre ce qu’il y avait de mieux dans le roman de Laurent Binet. La Septième fonction du langage, le « polar » iconoclaste, paru chez Grasset, s’amusait à attaquer le milieu intellectuel parisien des années 80 mais souffrait des certaines longueurs. Le spectacle réussit le pari de reprendre, en une heure trente, les cinq cent pages du roman, sans en altérer le piment.
3/ Nous sommes le 25 février 1980. La fiction se joue du réel. L’histoire savoureuse a pour point de départ l’assassinat de Roland Barthes en plein Paris. Au sortir d’un déjeuner avec François Mitterrand, alors candidat à l’élection présidentielle, l’universitaire est fauché par une camionnette. Il est porteur d’un terrible secret. Il existerait une septième fonction du langage. L’éminent linguiste Jakobson n’en recensait que six. Celui qui parviendrait à la posséder serait désormais détenteur d’un grand pouvoir.
4/ Le duo d’enquêteurs, fidèle au modèle de Laurent Binet, est burlesque à souhait. Pascal Martin-Granel incarne le flic inculte, Manuel Vallade, le chargé de cours à la Fac de Vincennes, embarqué de force, pour ses connaissances en sémiologie. Leurs facéties ne s’arrêtent pas là. Les comédiens endossent une pléiade de rôles. Ils partagent le plateau avec Constance Larrieu, hilarante. A trois, ils font exister, dans l’instant, une multitude de personnages hauts en couleurs qui courent et s’entretuent pour la septième fonction du langage.
5/ Sylvain Maurice propose une mise en scène alerte où, dit-il, « on joue à jouer ». Le plateau est une scène surélevée, une estrade où les acteurs à la faveur d’un accessoire ou d’une position dans l’espace changent de rôle. Ça va vite. La quête de la vérité se fait dans l’urgence et depuis, Réparer les vivants, son adaptation du roman de Maylis de Kerangal, on sait que Sylvain Maurice excelle à traduire scéniquement cet engagement des corps et des esprits. Ici, c’est au service de l’irrévérence joyeuse.
5/ Cette course effrénée est accompagnée en direct par deux musiciens. Manuel Peskine ( qui a conçu la musique) et Sébastien Lété. A cour et à jardin, les synthés, les percussions et les bruitages dialoguent avec les actions sur scène.
6/ La scénographie, tirée au cordeau, est sublimée par la lumière d’Eric Soyer et les vidéos de Renaud Rubiano. Deux panneaux coulissent et permettent d’ouvrir l’espace. Ils sont prolongés par un écran en arrière plan qui autorise les projections et les incursions du réel.
7/ Et si la septième fonction du langage était de véhiculer l’espoir : qu’a fait la Gauche de cet élan, porté par tant de voix, le 10 mai 1981 ? Les dernières images du spectacle, que je vous laisse découvrir, interrogent. A nous de répondre…
http://www.theatre-sartrouville.com/
Jusqu’au 25 novembre
Article sur Réparer les Vivants mise en scène Sylvain Maurice sur l’ancien site de Mlascene